mardi 21 juin 2011

Bill et Norris

Chers petits amis, après la journée des femmes et la journée du Chet Baker, aujourd’hui journée de la rigolade! (1)

Je dirais même de la franche rigolade puisque mon invité du jour est Bill Cosby, avec une vidéo qui a fait déjà dix fois le tour du monde dans les deux sens mais dont, si on est normalement constitué ce qui est évidemment votre cas, on ne se lasse pas.

Avant que le spectacle ne commence, le pitch pour ceux dont l’anglais américain n’est pas forcément la langue maternelle:

Invité d’un talk show comme ça se faisait à l’époque, on est en 1973, Bill Cosby est en compagnie de l’animateur et d’un musicien ou musicologue, je ne sais, classique. Après quelques vannes d’usages, Bill se lance dans l’évocation de sa courte carrière de batteur de Jazz amateur. Après avoir expliqué comment il frimait avec ses baguettes dans sa poche revolver, Bill nous raconte sa première, et sans doute dernière, participation à une jam session; comment il s’installe derrière les fûts en les réglant comme il l'avait vu faire, sans savoir réellement à quoi ça correspond, et comment il prend les mêmes poses qu’Elvin Jones sur les photos. La jam démarre et c’est Sonny Stitt qui arrive et qui dit :"assez de tempos medium, attaquons Cherokee!". Pour ceux qui ne le savent pas Cherokee se prend généralement sur un tempo d’enfer, à je ne sais combien à la noire. La suite ne demande pas d’explications particulières. Comme l’histoire doit avoir une fin heureuse, Bill est sauvé de l’humiliation par un batteur élégant; ce ne pouvait être que Max Roach bien sur. Assez causé. Bill Cosby ladies and gentlemen…







Désopilant non ? Allez remettez vous en un petit coup, c’est ma tournée.

Bill Cosby est très célèbre aux Etats Unis et peu connu ici car son art comique est basé sur la parole, ce qui évidemment est plus difficilement transposable que le comique de Charlie Chaplin ou de Jerry Lewis. Cette difficulté de communication n’a pas que des inconvénients. Par exemple ça évite à la très grande majorité des habitants de cette planète d’avoir à supporter la vulgarité grasse de Nicolas Bedos, ce n’est pas rien tout de même ?

Bill a été la vedette d’un paquet de sitcoms sur les chaînes de télé américaines et a toujours donné un coup de pouce quand il le fallait au Jazz qui est sa passion.


En 1997 il a produit de disque là, To Ennis with love"", en mémoire de son fils Ennis qui est mort assasiné. A cette occasion étaient réunis Lester Bowie -tp-, Bobby Watson et Craig Handy - sax- Cedar Walton -p- Billy Higgins -dms, pour jouer des "tubes" du Jazz comme Senor Blues ou The Sidewinder.




Bill sera encore cet été, comme chaque année depuis trente ans, le "MC" du "Playboy Jazz Festival de Los Angelès".

Unsung Heroes.

Je ne vais pas vous refaire la journée de la femme tous les jours, aussi revenons à un homme, un vrai!

Un de mes petits héros est le saxophoniste et flutiste Norris Turney. Peu connu du public grand ou petit, Norris Turney a pourtant eu une influence intéressante sur un des plus grands compositeurs et arrangeurs de notre temps, Duke Ellington himself.



Né en 1921, la même année que ma mère mais je ne crois pas qu’ils se soient jamais rencontrés ( je vais toutefois lui demander ), Norris Turney a été très longtemps un de ces nombreux tâcherons de la musique, piliers des big bands de l’époque. Il a participé aux orchestres Jeters-pillars, Billy Eckstine Orchestra pour finir en 1967 dans le big band tournant avec Ray Charles. C’est vers cette époque que le Duke a commencé à se soucier du remplacement, d’abord temporaire, de son altiste vedette depuis toujours Johnny Hodges dont la santé se détériorait. Je ne sais via quelles recommandations le job échoua à Norris mais c’est lui qui fit un moment la paire avec le Rabbit, puis le remplaça complètement à sa mort en 1970, jusqu’en 1973.

Bon d’accord, mais de là à voir une influence sur le travail du Duke il y a une marge me direz vous ? C’est que notre Norris avait un talent jusque là inconnu dans l’orchestre du Duke: il jouait excellemment de la flute. Comme Duke, ainsi que son jumeau Billy Strayhorn, n’écrivaient que pour des musiciens réels, aucune pièce pour flute n’avait jamais été proposée à l’orchestre. Lacune comblée, à partir de 1970 les disques du Duke comportent des parties, et des solos, de flute, comme celui là par exemple:




Vous remarquerez qu’on l’a échappé belle. Imaginez un instant que Norris eut joué de l’hélicon… quel désastre pour l’œuvre ducale!

Après avoir quitté l’orchestre et fait quelques ménages à Broadway, Norris a eu brièvement un quartet avec lequel il a enregistré ce disque:



Norris est un altiste traditionnel dans la lignée Benny Carter- Willie Smith- Johnny Hodges, la sainte trinité. Mais il est ici entouré d’accompagnateurs beaucoup plus "modernes" : Larry Willis au piano, Walter Booker à la basse et Jimmy Cobb aux drums. Et ça marche, la preuve ci-dessous :

Norris Turney ladies and gentlemen:



A bientôt chers petits amis.


(1) Vivant comme un ermite ce n'est qu' incidemment que j'apprends qu'aujourd'hui est la fête de la musique. Fidèle à mes principes, j'aurais normalement du m'abstenir de parler de musique mais, trop tard, le mal est fait. Par ailleurs vous avez surement remarqué que, sur le plateau de télé, Bill Cosby fume le cigare. Heureux temps; décidément je suis né trop tard dans un monde trop vieux !

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