vendredi 24 juin 2011

Revue de presse, tout ou presque sur Eddie.

Un nouveau magazine consacré au jazz est toujours une bonne nouvelle pour les amateurs. Pratiquement depuis l’origine, de Jazz tango de Hugues Panassié,dans les années 30 au petit dernier "Jazz News" , l’aventure du Jazz, du moins ici en France, a été accompagnée par des publications réalisées par des animateurs passionnés. Il serait fastidieux d’énumérer les grandes plumes qui ont fait leurs armes dans la littérature consacrée à cette musique. 


J’ai l’âge d’avoir suivi pas mal de ces opuscules. Jeune, dans ma province profonde, Jazz Hot et Jazz  Magazine étaient souvent le seul lien avec le monde des musiciens. J’en ai vu toutes les évolutions parfois bonnes, parfois calamiteuses; comme les années 70 durant lesquelles les rédacteurs se préoccupaient parfois plus de leur littérature personnelle que de servir l’information sur la musique. Devant la réduction cyclique du lectorat, la tentation a été parfois grande d "élargir" le spectre et de traiter d’autres musiques ( "du monde "... ou d’ailleurs ) , ce qui aboutit généralement à faire fuir le public spécialisé sans en gagner de nouveau. Un autre écueil qui n’a pas toujours été évité est l’esprit de "coterie" soit auprès d’un microcosme parisien, très réduit au demeurant, soit auprès des musiciens locaux avec ce que ça comporte de lutte d’égos et de nombrilisme; cette dernière tendance naturellement très présente conduit généralement à oublier que le Jazz est essentiellement une musique américaine.


Ce préambule pour saluer le petit nouveau "Jazz News", dont je viens de lire le N° 2 ( j’ai raté le n° 1, qui dans 50 ans se vendra peut être sur eBay 10.000 $).


A sa lecture il semble bien que les écueils cités plus haut aient été évités. Les sujets sont intéressants et bien choisis. Chroniquer ( très bien ) le Blue Note Clifford Jordan / John Gilmore de 1957 est une excellente idée. Idem pour la réédition du Freddie Hubbard au Keystone Corner.


La sortie sur la chaîne américaine HBO de la série TREME dont l’action se situe à la Nouvelle Orléans post Katrina est l’occasion d’un remarquable papier sur les musiciens de la cité du Croissant, Allen Toussaint et les autres, responsables de la BO. Mais aussi la sur famille Neville et particulièrement Aaron qui est un de mes chanteurs préférés. Si vous ne le connaissez pas essayer de vous procurer ça:






Vous n’y trouverez que du bonheur. Une voix "avec un timbre qui tutoie les anges dans un corps d’hercule" écrit le rédacteur, dans une formule un peu ampoulée mais très juste dans le fond. J’y ai appris que le modèle de Aaron était Sam Cooke, ce qui rétrospectivement ne m’étonne pas plus que ça. 


Enfin un magazine où l'on peut lire un papier sur la dernière révélation , le trompettiste Ambrose Akinmusire, mais également des chroniques sur les disques de Booker T ou Pee Wee Ellis. Egalement une interview d’Archie Shepp. Certes ce n’est ni la première ni j’espère la dernière que je lis mais il est toujours intéressant de l’entendre rappeler ses racines.


Bon je ne vais pas vous détailler le sommaire. Pour ma part je vais attendre, prudent, deux ou trois nouveaux numéros et, si…, je m’abonnerai.


Quelques réserves ? Bien sur. Un détail: annoncer Ramsey Lewis comme " Le grand pianiste Ramsey Lewis", bigre, que dira-t-on de Phineas Newborn quand  on abordera ce sujet ?  Plus sérieusement, l’éditorialiste  reprend la thématique à la mode sur l’air du "c’était mieux avant" , avec l’évocation d’un espèce d’âge  d’or des musiciens de Jazz situé dans les années 60. La "paupérisation de professionnels maîtres de leur art" est surement une réalité mais elle l’était déjà dans les années 60 ( Bud Powell et Kenny Clark jouant devant dix personnes au Blue Note de la rue d’Artois…). Oublions ça et courez acheter Jazz News, vous en aurez pour votre argent! 



Unsung heroes : Eddie Diehl


Peut être le nom d’Eddie Diehl ( ou Ed Diehl selon les sources ) vous dit quelque chose ? Après vous être vigoureusement gratté la tête en signe d’intense perplexité, vous en concluez que non, tout compte fait ce nom ne vous dit rien.


Si vous êtes comme moi familier de l’œuvre de Hank Mobley, un déclic doit se faire. Mais oui ça y est. Dans le "Thinking of Home"(1) de 1970 , le dernier disque de Hank ( si on excepte le Breakthrough de 1972 en Co leader avec Cedar Walton ) vous avez entendu un délicat guitariste nommé Eddie Diehl.




 C’est là que j’ai repéré notre homme la première fois. Il y joue peu mais très bien à telle enseigne que ma première réaction a été de me demander si ce n’était pas un nom d’emprunt sous lequel se dissimulerait un musicien sous contrat avec un autre label; ce qui était fréquent, rappelez vous de Charlie Chan ( Charlie Parker) ou de Buckok Lefonque ( Cannonball Adderley ). J’ai écarté assez vite cette mauvaise pensée, Blue Note , à la différence de labels moins scrupuleux ne s’est jamais livré à de telles acrobaties. Alfred lion, qui était Allemand, prussien peut être, ne plaisantait pas avec le règlement.


Je sais maintenant le pourquoi de la présence d’Eddie à cette séance. Outre son talent, Eddie était ami avec Hank et l’autre dirigeant de Blue Note, Frank Wolff, souhaitait vivement que Kenny Burrell soit le guitariste. Fidèle en amitié Hank a tenu bon et a imposé son ami. C’est beau  comme du Jules Romain non ?


Rappelons nous que nous sommes en 1970. Mais Eddie n’était pas un débutant puisque la machine à remonter l’histoire du Jazz me le fait retrouver en 1962 sur une séance Gene Ammons / Jack McDuff, celle là:






La même année, toujours avec l’organiste "Brother" Jack McDuff mais cette fois accompagnant Sonny Stitt:








Dans tous les cas, le jeu d’ Eddie Diehl retient l’attention par une technique sans faille, un remarquable à propos dans l’accompagnement et une grande délicatesse dans l’exercice du solo.


Malheureusement je n’ai pas d’autres disques avec sa participation, sauf du George Braith mais ça ne compte pas. Il a enregistré un ( et un seul ) disque sous son nom, avec Hank Jones et Mickey Roker à la batterie. Je le cherche! 






Il a aussi participé avec le bassiste Bill Crow et les trombonistes Eddie Bert et Roswell Rudd à un groupe appelé "The Kansas City Sound" qui a enregistré deux disques publiés de façon indépendante et certainement introuvables ailleurs que sur eBay si on a du bol. Il y a aussi trace d’une participation à un disque de l’organiste Johnny "Hammond"Smith:


Je sais qu’il a aussi enregistré avec Al Haig ( album "Manhattan memories" en 1977 et Sam Jones "Something in common" la même année ) mais je ne connais pas non plus ces disques. Egalement des enregistrements Prestige avec George Braith.




Eddie a plus de 7O ans maintenant et New Yorkais depuis 1956. Une longue carrière de pro derrière lui: orchestres de danse cubains et portoricains, accompagnement de Harry Belafonte et Miriam Makeba; il est là dedans:






Il a aussi exercé longtemps le métier de réparateur de guitares. On le voit ici dans son atelier:








Assez parlé d’Eddie passons à la musique. J’ai trouvé par hasard une vidéo assez récente de notre gaillard, filmé sans doute par un ami. Il joue vraiment très bien :


Enjoy et notez que toute information sera prise en considération.




Eddie Diehl ladies and gentlemen.







A bientôt  chers petits amis.


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(1) Thinking of home marque doublement la fin d'une époque puisque c'est le dernier d'une longue série de Hank sur le label mais aussi le dernier enregistrement de Blue Note en tant que label indépendant.


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