dimanche 12 juin 2011

Jackie Paris... et autres curiosités.

Unsung Heroes, suite

Aujourd'hui, chers petits amis, un chanteur, je sais que vous aimez les chanteurs, que j'hésite quand même à classer comme un définitif "unsung Heroe". En effet Jackie Paris, puisque c'est lui dont il s'agit, a été longtemps considéré comme le "loser" absolu, courant lamentablement le cachet dans des établissements de troisième ordre, un peu comme dans la chanson de Charles Aznavour " je me voyais déjà". Toutefois il se trouve que, particulièrement depuis sa disparition en 2004, il fait l'objet d'une forme de culte, du sans doute à son statut d'artiste maudit, un peu à l'instar du trompettiste Tony Fruscella pour ceux à qui ce nom dit quelque chose.




A travers le monde s'est constituée une communauté informelle de fervents de Jackie Paris. C'est d'ailleurs assez curieux ces communautés virtuelles autour d'un artiste ou d'un genre musical. Par exemple vous pouvez trouver aujourd'hui des répliques du quintette du Hot club de France à Melbourne, Cincinnati ou Varsovie. Pour ma part je n'apprécie guère ce genre de recréation. Autant Django était incontestablement un génie, autant ses épigones me portent sur les nerfs...

Je m'égare une fois de plus. Revenons à notre notre Jackie qui avait débuté sa carrière comme guitariste puis chanteur un peu "underground" dans le new york prébeatnik de la fin des années 40. Il s'est produit avec Charlie Parker, ce qui n'est pas rien, a enregistré la première version vocale du " Round bout midnight" de Thelonious Monk ainsi qu'une version de "skylark" qu'il a reprise tout au long de sa carrière. Il a croisé la route de Charles Mingus qui l'a parfois utilisé et enregistré sur son label Debut.

Une poignée de disques inégaux plus tard, notre héros avait quasiment disparu du radar des amateurs, à telle enseigne qu'on le donnait régulièrement comme mort, alors qu'il ne disparaîtra qu'à 79 ans en 2004.

En 1988 les Japonais, toujours friands de ce genre de chose, lui ont fait enregistrer une sorte de come back avec l'album "Lucky to be me", ce qui dans son cas se discute, dans lequel il est malheureusement, de mon point de vue, écrasé par le trio de grande classe qui l'accompagne ( Jim Mc Neely au piano, Mike Richmond à la basse et Adam Nussbaum à la batterie ).

Vous le sentez bien, mon clavier ne tressaille pas d'enthousiasme. Je ne suis pas vraiment un fan de Jackie. Sa manière ne m'a jamais réellement touché mais tellement de gens plus raffinés que moi adorent ça que je me demande si ça ne vient pas de moi et si, un jour, je ne serais pas moi aussi touché par la grâce qui habite les « JackieParistes » .

Chers petits amis, faîtes vous votre opinion en écoutant Jackie Paris interpréter le "there will never be another you" sur l'album "songs by Jackie Paris" en 1956:

Jackie Paris, ladies and gentlemen...




Mais Jackie Paris m'amène fort heureusement à vous parler d'autre chose. En 1991 un jeune cinéaste de 27 ans, frais émoulu de l' American Film Institute, mais aussi amateur et pianiste de Jazz, Raymond De Felitta, avait entendu fortuitement Jackie Paris à la radio et contrairement à moi avait été séduit par ce chanteur à tel point qu'il avait envisagé de réaliser un film sur son nouveau héros. Sa recherche du Jackie Paris ne l'avait mené nulle part à l'époque et une notice erronée dans l' Encyclopédie du jazz l'avait amené à considérer que Jackie était décédé en 1978. En 2004, par le plus grand des hasards, De Felitta a rencontré Jackie Paris qui se produisait dans un club de Greenwich Village à New york. Il a pu filmer la performance et enregistrer plusieurs interviews, ce qui a donné la matière d'un documentaire. Il était moins une car Jackie est mort trois mois plus tard d'un cancer des os...

Ce documentaire sorti en 2006 a été bien accueilli. Je l'ai vu, c'est un très bon film sur un artiste à la carrière et à la vie un peu chaotique. Pour autant, malgré le talent de De Felitta, je n'ai toujours pas succombé au charme - délétère sûrement- de notre chanteur. On peut peut être se procurer ce film :






Raymond De Felitta n'a fort heureusement pour lui pas fait que ça. Outre avoir enregistré deux disques comme pianiste, dont un en hommage à Earl Hines ( que je confesse n'avoir jamais entendus) il a aussi réalisé un formidable film en 2009 :




J'ai vu et adoré ce film, qui est sorti en France en 2010. Coproduit par l'acteur principal Andy Garcia, il raconte l'histoire de la famille Rizzo qui habite City Island, petit port isolé tout au bout du Bronx et c'est vraiment un très bon film.

Mais Raymond De Felitta tient aussi un blog passionnant que vous pourrez consulter en suivant ce lien:


Vous pourrez y apprendre que Raymond a aussi un père , qui n'en a pas ? me direz vous, qui s'appelle Frank De Felitta et qui a été longtemps réalisateur de reportages et documentaires pour les chaînes de télévision comme CBS. Sur le blog, vous trouverez en ligne des extraits des reportages de Frank De Felitta, notamment sur la question raciale dans les années 50, dans le Sud des Etats Unis; qui sont des témoignages remarquables.

Pour vous mettre l'eau à la bouche, ci dessous un extrait d'un reportage pour CBS en 1956 " Music of The South" sur les origines du Jazz. Bien que certainement un peu "mis en scène" comme on le faisait à l'époque, cette séquence est étonnante. Vous faîtes ce que vous voulez mais à votre place je regarderais jusqu'au bout car, à la fin, toute la famille chante quelque chose qui remonte certainement à l'époque de l'esclavage. Vous entendrez ce merveilleux accent du Sud, un peu disparu aujourd'hui.La qualité de l'image est ce qu'elle est. Si ça vous intéresse, allez fouiner sur le blog de Raymond.





Coup de Coeur.

Une nouvelle rubrique destinée à perdurer car des coups de coeur musicaux j'en ai heureusement tous les jours.

Vous vous souvenez sans doute de la parution voilà quelques années d'une pléthore de rééditions sous le générique "Jazz in paris" qui reprenait des enregistrements effectués, essentiellement dans les années 50 et 60, par des maisons de disques françaises de musiciens américains de passage à Paris, du temps où "musicien américain" n'était pas encore devenu un gros mot ici.

Certaines de ces rééditions m'avaient échappé, notamment celle ci :




William Henry Joseph Bonaparte Bertholoff Smith ( ça ne s'invente pas!) avait gagné son surnom de "lion" par sa bravoure pendant la première guerre mondiale en France dans le corps expéditionnaire du Général Pershing. Par ailleurs c'était un des meilleurs pianistes "stride" de Harlem, qui avait influencé Duke Ellington compositeur d'un hommage "portrait of the lion". Parmi ses singularités, Willie, juif converti, était aussi "cantor" à la synagogue de Harlem.

Ce disque, en solo, est délicat, swinguant, plein d'humour et je m'en veux de l'avoir négligé jusque là. Pour vous donner envie, Willie en 1966 à Berlin :




A bientôt chers petits amis.  


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