jeudi 16 juin 2011

Hank et Plas

Le mystère de la chambre de Jones. (1)


Le grand pianiste Hank Jones nous a quittés l’an passé le 16 Mai.




Deux jours après sa mort -le 18 donc- paraissait dans le New York Times, sous la signature d’un dénommé Corey  Kilgannon, un court article disant à peu près ceci :


 "Hank Jones le légendaire pianiste de jazz a connu une existence curieuse vers la fin de sa vie.
Il est resté actif pratiquement jusqu’à la fin, honoré de récompenses et parcourant le monde. Mais, quand il n’était pas sur la route , il vivait dans la plus complète solitude dans une pièce de 12/12 pieds ( je n’ai jamais bien assimilé les mesures anglo saxonnes mais comprenez que c’était tout petit ), commandant ses repas au restaurant le plus proche et s’exerçant inlassablement au clavier électrique muni d’un casque d’écoute.
Son propriétaire qui vivait dans l’immeuble, M.Manny Ramirez ( on croirait le nom d’un entraineur de boxeurs non ? )indique qu’il restait constamment enfermé dans sa chambre.
Dimanche 16 Mai il décéda dans un hôpital du Bronx, quelques semaines après son retour du Japon.
Le lundi M.Ramirez est entré dans la chambre pour faire le ménage.
Pour ce faire il a forcé la porte avec un marteau et un levier.
La chambre était restée telle quelle. Le lit n’était pas fait et il n’y avait pratiquement rien hormis son clavier , des vêtements, une machine à café et des partitions.
M.Ramirez indique que Hank Jones pratiquait constamment son instrument, généralement en écoutant de la musique classique.
M.Ramirez nous dit aussi qu’il emmenait occasionnellement Hank visiter sa femme, malade, dans un établissement spécialisé. Autrement il ne réussissait pas à le sortir de son enfermement.
Suivent quelques témoignages de voisins, qui n’ont strictement rien à dire et l’article s’arrête la" .


La lecture de cet article nous amène à penser que Hank vivait quasi misérablement, comme un ermite.


Les choses se compliquent ensuite par les réactions des internautes. Les premières prolongent l’article en se lamentant sur la situation faite aux artistes dans notre société etc…


Mais interviennent ensuite les gens qui connaissaient réellement Hank. Sa famille, ses neveux notamment qui prenaient soin de lui: On apprend que notre pianiste possédait des biens immobiliers dont une vaste propriété et que ce pied à terre New Yorkais n’était qu’une facilité entre deux voyages ou quand il devait travailler à New York. Son ex-agent vient ensuite confirmer que cette description misérabiliste ne correspond en rien à la réalité du standard de vie de l’ami Jones.


D’autres lecteurs, dont Charlie Haden, viennent questionner le droit du propriétaire à cette intrusion musclée seulement deux jours après le décès du locataire, ainsi que la convocation de la presse. Bref, le ton monte et les choses s’enveniment, à tel point que le journaliste doit faire une mise au point emberlificotée à peu près aussi convaincante que celles de Luc Ferry…(vous m’avez mal compris écrit il, si HJ avait vécu dans un château, j’aurais fait un papier tout pareil. Ben tiens! Du Luc Ferry vous dis je )


Ne serait ce le décès de ce monstre du piano qu’était Hank Jones, tout cela serait tout compte fait assez marrant, et pathétique en même temps. Le surprenant de l’histoire c’est que cela se passe au New York Times, qui n’est quand même pas réputé pour rechercher un sensationnalisme de tabloïd . Si vous voulez mon avis, l’explication est très simple: Que ce soit au New York Times, au Monde ou au Guardian, même dans les organes de presse réputés sérieux, personne ne connaît rien au Jazz, pire tout le monde s’en fiche, ce qui explique que quand notre ami Kilgannon a proposé son article en conf’ de rédac’ on ne l’a même pas écouté. 


Deuxième enseignement de l’affaire: Faîtes comme moi, ne croyez rien de ce qu’on vous raconte avant que ça n’ait été vérifié dix huit fois au moins!


Pour venger Hank Jones de cet affront posthume j’ai écouté ses enregistrements avec le Great Jazz trio. Celui là par exemple ( avec Ron Carter et Tony Williams) qui est sensationnel:








Unsung Heroes


Aujourd’hui intéressons nous au cas de Plas Johnson. Comment ce nom ne vous dit rien! Bien sur vous connaissez, peut être sans le savoir, Plas Johnson. Vos dénégations  forcenées n’y changeront rien. Si vous connaissez le thème de la "Panthère rose", vous connaissez Plas Johnson, car c’est lui qui le joue, à l’unisson avec le contrebassiste Red Mitchell qui avait pour l’occasion accordé son instrument de façon inhabituelle. Dans le générique du film de Blake Edwards en 1963 ( composé par Henry Mancini ) puis dans toutes les suites, reprises, produits dérivés et dessins animés de la bestiole malicieuse.






Vous pensez bien que je ne m’intéresse pas à Plas que pour la Panthère fut elle rose; Excellent film au demeurant avec Peter Sellers, un des acteurs les plus excentriques qui furent, à l’écran comme à la ville.


Plas était, et est peut être toujours, un excellent musicien, parfait caméléon, capable à la demande de vous produire du Ben Webster, du Lester Young ou tout ce que vous voudrez. Cela explique que sa carrière ait été pratiquement phagocytée par son activité californienne dans les studios de cinéma.


Il a enregistré quelques disques sous son nom, assez décevants tout compte fait. Il est préférable de rechercher sa compagnie dans les disques où il est sideman comme ceux d’Herb Ellis par exemple. 


J’ai eu l’occasion de le voir "live" et il m’avait pas mal impressionné.


Je vous ai trouvé une de ses prestations. A Tucson (Arizona) dans un environnement qui rappelle plus le comice agricole de Saint Loup sur Semouse que la salle Pleyel.


Malgré ça, emmené par le bon pianiste Cedric Lawson ( qui a été un jazz messengers et a joué avec Miles Davis ) Plas joue très très bien ce "how high is the moon". C’est un pro !




Plas " Pink Panther " Johnson, ladies and gentlemen :








Au revoir chers petits amis.


________________________________________________________________
(1) Petit clin d’œil au « Mystère de la chambre jaune » de Gaston Leroux dont les Rouletabille ont enchanté mon enfance.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire