Unsung heroes
Suite de la saga des musiciens qui ont enregistré chez Blue Note sans faire partie de la famille. J'avais commencé cette (petite ) histoire avec Don Wilkerson (cf message du 5 juillet ). Si on y regarde attentivement, la soi disant "école" Blue Note est partiellement un fantasme d'historien. Comme souvent on reconstruit l'histoire après coup, à partir de présupposés. J'explique car je sens bien que vous ne suivez pas : Par exemple un des meilleurs historiens du label est Richard Cook, qui a publié au début des années 2000 un bouquin qui se voulait définitif sur le sujet. De fait c'est parfaitement documenté et je recommande le livre mais d'une certaine manière Cook renforce l'idée selon laquelle BN était dévoué quasi uniquement au "Hard Bop" et plus tard à la musique "avancée" avec Eric Dolphy ou Sam Rivers par exemple. C'est parfaitement vrai mais si on examine de près la discographie Blue Note on découvre de nombreux enregistrements d'artistes plus traditionnels ou plus, disons populaires; Pendant une période un des producteurs était le sax ténor Ike Quebec qui avait passé une part notable de sa carrière chez Cab Calloway et dont les huit disques chez BN ne ressortissent ni de l'esthétique Hard Bop et encore moins de musiques "avancées". Et que dire de Jimmy Smith ou de son comparse Stanley Turrentine.
Ce (trop ) long et emberlificoté préambule pour venir à mon héros du jour, le saxophoniste baryton Leo Parker ( à ne pas confondre évidemment avec le batteur Leon Parker ). Leo a enregistré deux disques chez Blue Note qui seront à la fois l'apogée de sa courte carrière et son chant du cygne, si tant est qu'un cygne puisse souffler convenablement dans un baryton.
Non seulement Leo a été un excellent baryton, à une époque où hormis Harry Carney l'instrument était rarement mis en tête de gondole, mais il a opéré, un des premiers, la synthèse entre le rythm and blues et le be bop.
C'est sous l'emprise de la nécessité que Leo est passé du ténor au baryton, pour assurer le poste dans le big band qui accompagnait le chanteur Billy Eckstine au milieu des années 40. Il a continué dans les ensembles qui accompagnaient Illinois Jacquet. Pendant cette époque il a enregistré sous son nom, chez divers labels parfois obscurs, une série de disques tous excellents. Ces enregistrements ont été réédités par la firme "Classics" dans la série "The chronogical",. Je ne sais pas si c'est facilement trouvable. Un exemple ci dessous de l'art de Leo en 1947 sur "El Sino" avec notamment Gene Ammons au ténor qui prend le premier chorus. Vous ne manquerez pas de vous étonner comme moi sur le fait qu' à l'époque Gene Ammons jouait totalement comme Lester Young:
Si vous voulez admirer le beau son de baryton de notre héros, cliquez là dessous, il joue en 1951 une ballade "Smoke gets in your eyes":
Malheureusement une forte addiction à la drogue et une santé précaire ont tenu Leo éloigné de la scène du jazz et des studios pendant toutes les années 50. Il semble qu'il ait passé toute cette période chez certains des nombreux orchestres populaires de Rythm and Blues de l'époque. En 1961 il fait un come back en enregistrant deux disques chez Blue Note ; ceux là:
Dans les deux cas, Leo est entouré de sidemen plutôt inconnus, ce qui était assez inhabituel chez Blue Note. Cela à l'exception notable du bon trompettiste Dave Burns et du curieux pianiste de Baltimore Yusuf Salim qui, comme Leo, a passé une bonne partie de sa carrière dans le R&B notamment chez Red Prysock.
Les sessions se sont tenues respectivement les 12 et 20 Octobre 1961. Leo décédera le 11 Février de l'année suivante, il avait 36 ans. Sans artiste pour promouvoir les disques, Alfred Lion décidera d'annuler leurs sorties et ces enregistrements ne seront disponibles, remasterisés certes, que dans les années 80. Voici un extrait de chacun de ces deux disques dont la musique est très originale ( particulièrement le "Talkin the blues" ), Leo Parker ladies and gentlemen:
PS: A peu près à la même époque un baryton ( blanc celui là, enfin le souffleur pas le baryton lui même ) de Boston donnait également ses lettres de noblesse à l'instrument. Il s' appelait Serge Chaloff, mais ceci est une autre histoire, pas plus franchement gaie que l'autre puisque notre Chaloff enregistrera son chef d'oeuvre "Blue Serge" en 1956, peu de temps avant sa mort, dans un fauteuil roulant atteint d'une tumeur de la colonne vertèbrale. Décidément je ne tombe que sur des types comme ça, je dois avoir le mauvais oeil !
Festivals ( festivaux ?)
J' avais écrit quelques fadaises à propos des festivals de Jazz et de leur dégénérescence progressive. Il semble que cette question soit dans l'air du temps puisque je vous avais déjà fait part d'un article sur le festival de la Nouvelle Orléans. Dans "All About Jazz" John Kelman se pose la (bonne) question: A quel moment un festival dit de Jazz cesse d'être réellement un festival de Jazz ? Vous pouvez trouver le lien vers son papier du 20 Mai dernier ici:
http://www.allaboutjazz.com/php/article.php?id=39539&pg=3C'est en anglais et je ne me sens pas le courage de traduire aujourd'hui. En gros John Kelman décrit bien le processus infernal : des amateurs créent un festival consacré à la musique qu'ils aiment. Comme il faut des sous ils cherchent et trouvent des sponsors, publics ou privés. Pour maintenir les subventions il faut un minimum de succès, donc d'audience et la machine à élargir le programme ( donc à l'éloigner de plus en plus du Jazz ) est lancée. Comme le souligne l'auteur c'est un phénomène irréversible ( "on ne peut faire rentrer le dentifrice dans son tube") . Pour lui, et je partage assez son avis, la réponse à la question "Est ce toujours un festival de Jazz ?" est oui quand on peut assister à tout l'évènement et se sentir concerné en tant qu' amateur, voir chaque jour des concerts de Jazz, même au sens étendu du terme. De ce point de vue écrit il un Festival comme celui de Montreux a perdu toute référence de "Festival de Jazz" .
Puisqu'on parle de Festival et qu'ils en demeurent qui sont incontestablement "de Jazz", un peu de pub pour celui de Montlouis sur Loire qui, depuis sa création, thanks to the mayor, ne s'est jamais fourvoyé dans l'a peu près. Le programme est disponible, celui du "in" est celui là:
J'ai passé une partie de ma jeunesse dans le patelin en question mais ça n'a aucun rapport. Pouvoir écouter et voir en une seule semaine Brad Mehldau, Maceo Parker, Roy Hargrove, Liz Mc Comb et Chucho Valdes dans une commune de 10 000 habitants, ça mérite bien un coup de chapeau. Le lien vers le site est là:
Erratum: dans un message précédent j'ai indiqué par erreur que Buddy de Franco était mon clarinettiste préféré. Il fallait lire, après Lester Young, quand il joue de la clarinette bien sur. Lester Young est aussi mon saxophoniste ténor préféré ainsi que mon porteur de chapeau bizarre préféré; c'est comme ça!
A bientôt chers petits amis
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire