mardi 31 mai 2011

Dave Lambert

Je vous entretenais hier du formidable blog de Marc Myers. La livraison d'aujourd'hui ( et après j'arrête de lui faire de la pub; je ne le connais même pas ) est encore d'une qualité exceptionnelle avec la découverte d' un film documentaire tourné par D.A Pennebaker sur une séance d'enregistrement d'un groupe vocal réuni par Dave Lambert en 1964, mais si, vous le  connaissez, le Lambert de Lambert Hendricks and Ross- L.H.R !




Ce film de 15 mn , que je vous poste ici sans bien savoir si j' en ai le droit ( que les mécontents me le fassent savoir ) est très émouvant. Vous verrez Dave et ses chanteur(e)s mais aussi les musicos et techniciens et les boss, comme George Avakian.




La vision de ce film amène deux réflexions d'intérêts divers :
  • A cette époque on fumait librement et on gardait son chapeau sur sa tête en toute circonstance.
  • Dave Lambert ressemblait à un Robert Hue qui aurait suivi le régime de françois Hollande. Cela est d'autant plus remarquable que Dave Lambert n'avait jamais entendu parler de Robert Hue , lequel n'a jamais entendu parler de Dave Lambert. Le monde est décidément plein de coïncidences étranges.

Pour ceux qui ne le connaissent pas vraiment, Dave Lambert a été un chanteur et arrangeur de premier ordre; Un des premiers, chez Gene Krupa à adapter le nouveau phrasé bop à l'art vocal, il a enregistré avec Charlie Parker et, après une existence un peu décousue et pour le moins bohème a fini par trouver le succès avec la formation du fameux L.H.R.

A l'époque du film, L.H.R ( devenu entre temps L.H.B, Yolande Bavan ayant remplacée Annie Ross ) venait d'être dissous et Dave essayait de monter un nouveau groupe. L'enregistrement dont il est question dans ce film n'a jamais été édité. Deux ans plus tard Dave , réalisant sans doute que sa ressemblance avec Robert Hue amaigri lui était préjudiciable, décida de changer de vie et commença par changer le pneumatique de la roue de sa voiture. 

Malheureusement il fit ça sur l'autoroute en plein trafic et cela lui fut fatal.

Le contrebassiste Bill Crow – bien connu notamment pour avoir été un fréquent partenaire de Gerry Mulligan- était un ami très proche de Dave, qu'il évoque dans son livre de souvenirs:





De bonne humeur aujourd'hui, je vous en ai traduit (mal sans doute) deux passages; le premier est un tableau de la vie de bohème à New York dans les années 50. Le deuxième est relatif à la création du fameux L.H.R.

Dave me disait qu'il était si pauvre à l'époque qu'il en était réduit à voler la nourriture dans les supermarchés.Il enveloppait sa petite fille Dee ( 4 ans à l'époque ) de sa vieille capote militaire, la plaçait dans le chariot du supermarché et sillonnait ainsi les allées de l'établissement, remplissant les poches de la capote de divers produits alimentaires. Il réglait à la caisse quelques articles modestes et sortait. L'enfant était tellement chargée de boîtes de conserves volées qu'elle tenait à peine debout quand il la sortait du chariot... 

Se remémorant cette époque, Dave me dit : "je me rends compte maintenant que je me sentais si pauvre que je volais toujours de la margarine. J'étais trop pauvre pour voler du beurre! "

J'ai appris de Dave comment survivre à New York sans revenus réguliers. Il avait les quatre règles de base de l'honorable marginal :

1.Etre disposé à accepter n'importe quel boulot.

2.tenir une comptabilité scrupuleuse de vos dettes et les rembourser aussi vite que vous pouvez. Prendre soin de ne pas solliciter trop souvent le même.

3.Si vous empruntez quelque chose- une voiture, un vêtement,un instrument- toujours le rendre dans un état meilleur que vous l'avez reçu, ainsi son propriétaire sera ravi de vous le prêter à nouveau. ( Dave rendait toujours une voiture empruntée lavée et le réservoir plein, les outils étaient rendus affutés et propres. Un smoking était passé par le pressing avant d'être retourné à son propriétaire.)


4.Pratiquer la réciprocité vis à vis de celui qui vous nourrit: organiser pour lui une soirée quand vous le pouvez. Faîtes de la musique, chantez des chansons, racontez des histoires, enfin faîtes prendre du bon temps.


Sur L.H.R

Un après midi j'ai trouvé Dave chez lui en grande discussion avec un jeune homme qu 'il m'a présenté comme étant Jon Hendricks. Dave était intrigué par la capacité de Jon à mettre au point des paroles collant aux solos de Jazz. King Pleasure avait enregistré le premier disque à succès du genre avec son «  Moody'Mood for love ». Hendricks poussait le genre plus loin que Pleasure qui avait trouvé l'idée originale chez Eddie Jefferson. Jon Hendricks avait écrit des paroles amusantes sur le « four brothers » de Woody Herman et Dave avait adapté l'arrangement original de Jimmy Giuffre pour un groupe vocal. Ils l'ont enregistré mais, à l'écoute, le tempo s'est avéré trop rapide pour que les paroles soient intelligibles. La prise fut refaite sur un tempo plus lent et l'enregistrement  édité sur les deux faces d'un 78 tours.

Dave et Jon avaient décidé que leur prochain album serait basé sur les airs de Count Basie avec des paroles de Jon. Creed Taylor, alors chez ABC-Paramount, accepta le projet et ils travaillèrent pendant des semaines à choisir les morceaux, s'assurer des droits et écrire paroles et arrangements. A chaque fois que je passais chez Dave, il travaillait sur ce projet avec Jon. En 1957 Ils enregistrèrent pour ABC-Paramount avec un ensemble vocal important et la rythmique de Count Basie.

Dave fut très déçu par le résultat. Il n'avait pas été en mesure d'obtenir des vocalistes un phrasé adapté à la façon dont les musiciens de Basie avaient joué sur les enregistrements originaux.Il avait pourtant fait appel à Annie Ross pour l'aider à enseigner aux chanteurs la bonne façon de phraser. Annie avait écrit et chanté des paroles sur le fameux chorus de Wardell Gray « Twisted » et elle maîtrisait parfaitement le phrasé jazz. Elle n'avait pas été retenu pour faire partie du groupe car elle ne savait pas lire la musique, mais elle savait swinguer...

Depuis les expériences de Les Paul sur les enregistrements utilisant plusieurs pistes, les studios étaient maintenant équipés et Dave avait décidé de profiter de cette nouvelle technologie. Faisons tout nous mêmes, dit il, nous trois plus la rythmique ;Annie réenregistrera les parties aiguës et Jon et moi les parties graves.


Cela prit beaucoup de temps mais se révéla efficace. "Sing a song of Basie " fut un succès.  


Et pour finir pourquoi pas un peu du meilleur L.H.R, on a l'embarras du choix.



A bientôt chers petits amis.

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A propos de François Hollande et de régime, je ne résiste pas au plaisir de vous transférer le copié-collé d'une partie de la plaidoirie d'un avocat d'un médecin accusé de diffamation par un autre, créateur d'un régime amaigrissant:

« Le régime Dukan, c’est un conte de fées à l’envers ! L’histoire d’un crapaud qu’une jolie fée vient embrasser et qui se transforme en prince charmant, Avec Dukan, vous perdez vos kilos très rapidement, mais un matin, clac, vous redevenez crapaud ! », a observé Me Malka, avant de feindre de s’inquiéter «pour tous ces personnages célèbres qui suivent le régime Dukan »

Alertez François Hollande ! La campagne présidentielle va être longue. Il faut bien qu’il nous reste des candidats socialistes ! »

lundi 30 mai 2011

JazzWax

La semaine recommence je m'y remets.

Avec ma présentation des blogs Jazziques je n'avais pas voulu commencer trop fort sinon je vous aurais d'emblée entretenu du meilleur, de l'indispensable, de l'incontournable : JazzWax.

De mon point de vue c'est incontestablement la perle de la presse Internet en matière de jazz et de musique américaine en général.

JazzWax est rédigé, édité, illustré par un seul homme Marc Myers qui se présente lui-même ci-dessous :






Ancien journaliste du New York Times, Marc Myers est un spécialiste de la musique américaine, auteur d'une thèse sur le célèbre « ban », grève des enregistrements entre 1942 et 1944. Outre son activité de blogueur, il contribue régulièrement au Wall Street Journal par des papiers sur la musique ou les musiciens.

La grande originalité et la grande force de ce blog résident en deux points essentiels :

le premier est très simple et tout d'exécution mais très difficile à réussir: la parution d'articles de qualité selon un rythme quasi quotidien.

Deuxièmement la supériorité de Marc Myers sur ses compétiteurs est son carnet d'adresses qui lui permet d'obtenir des interviews d'acteurs de la scène musicale, témoignages sans lesquels toute une partie de l'histoire de la musique serait définitivement perdue.

Depuis 2007 le nombre d'interviews souvent passionnants réalisés est impressionnant. De Abdullah Irbrahim à Yusef Lateef (par ordre alphabétique) c'est une somme d'informations essentielles pour l'histoire de la musique . Jetez un oeil à la liste des entretiens réalisés et vous aurez à l'avance le tournis.

A ce matériau s'ajoutent des articles sur des sujets divers, parfois directement musicaux, parfois périphériques ( conditions d'enregistrement des disques à une période donnée, statut des musiciens, music business en général ). Le jazz est, de l'aveu de l'auteur, son principal centre d'intérêt mais il ne s'interdit pas « quand la musique est bonne » de déborder sur la musique américaine en général, pop, blues ou rock and roll.

En résumé , l'essayer c'est l'adopter et, vous le sentez bien à ma dithyrambe , je ne peux plus me passer de JazzWax.

Evidemment on peut ne pas partager totalement les goûts de l'ami Myers; par exemple sa déclinaison par le menu de l'oeuvre de Dave Brubeck peut lasser ceux qui comme moi n'éprouve pas d'inclinaison particulière pour le maestro dont Boris Vian, toujours excessif, disait qu'il « jouait du piano comme une vache » . L'essentiel n'est pas là puisqu'il y a autant de mondes du Jazz que d'amateurs de cette musique.

Le lien est ici : 



Aïe Aïe... vous entends je d'ici. Mais c'est encore en anglais ! Fichtre; halte à la mondialisation néo libérale vous indignez vous ! Ben oui j'y peux rien moi, débrouillez vous. Si vous avez un problème avec l'anglais rappelez moi de vous communiquer une recette infaillible pour l'apprendre sans peine.

Unsung heroes.

Dans la série maintenant bien entamée des héros méconnus du jazz, aujourd'hui un méconnu de chez méconnu, sauf évidemment de ceux qui le connaissent; cela va sans dire .

John Wright

John Wright est un pianiste typique de chicago, pépinière de musiciens s'il en est, et qui n'a pratiquement jamais quitté la « windy city » . "First call"» pour accompagner les gloires nationales lors de leurs passages à Chicago ( Gene Ammons, Sonny Stitt...) , notre ami John Wright a eu l'opportunité d'enregistrer quelques disques en trio ( cinq exactement ), notamment chez Prestige, entre 1960 et 1962 qui peuvent rivaliser avec les meilleures galettes du genre à l'époque – junior mance ou ramsey lewis par exemple-

Je suis entré en possession d'un disque de ce brillant artiste tout à fait par hasard, il s'agissait de celui là, qui m'avait beaucoup plu par son côté swinguant et "soulfull" :






comme son titre l'indique, l'album était dédié à Chicago et chaque composition évoque un quartier ou un lieu particulier de la ville. J'ai réussi depuis à me procurer ces deux autres disques, j'ai donc maintenant dépassé la moitié de l'oeuvre complète de John Wright:




D'après mes informations l'ami John, qui a pris un peu de bouteille ( voir ci dessous ), serait toutefois toujours actif dans sa ville, jouant en public à l'occasion, donnant des cours et organisant des évènements musicaux. J'ai lu quelque part, mais je ne retrouve pas ce satané papier- je cite donc de mémoire, qu'il avait pu élever ses sept enfants grâce à un emploi dans l'administration ( je crois pénitentiaire ) dont, à 77 ans, il est retraité.




La musique de John Wright n'a évidemment ni changé l'évolution de Jazz ni laissé une marque indélébile mais est un témoignage attachant de la musique du « black chicago », à cette époque particulièrement fructueuse.

John Wright ladies and gentlemen...  





A bientôt chers petits amis...

samedi 28 mai 2011

RIP



La camarde étant très active ces derniers temps, je crains que cette rubrique ne devienne quotidienne! Après le pauvre Melvin j' apprends, sur le site de France Soir, ce qui démontre qu'on peut trouver des diamants dans les poubelles, le décès de Gil Scott Heron.

Peut être ce nom ne vous dit rien .GSH a eu un certain succès dans les années 70 comme chanteur et pianiste, on dirait ici engagé. On a voulu voir chez lui le précurseur du Rap, ce que j'ai du mal à croire, les rappeurs étant généralement des crétins décérébrés, je les vois mal s'intéresser à Gil . D'autre part le Rap remonte bien au delà, je vous parlerais peut être de ça un jour, si vous êtes sages bien sur!


Bon vous l'aurez compris GSH ne faisait pas réellement partie de mon panthéon personnel. Ses succès de l'époque chez impulse puis Flying Dutchman sont aujourd'hui franchement datés. Peut être faudra t il attendre que le temps passe pour l'estimer à sa juste valeur. Il semble bien qu'on assiste aujourd'hui à la réhabilitation de Luis Mariano, idole de ma grand mère, donc tout est possible; l'avenir est ouvert. Rendez vous dans 20 ans avec l' oeuvre complète de Gil Scott-Heron.

Un petit hommage quand même avec une de ses chansons les plus connues : «  the revolution'll not be televised ». Charge d'époque contre la white american way of life, black power, revolution et tout le toutim. Un truc d'époque quoi. Mais soyons honnête c'est assez attachant. A noter que c'est surement un remix car je crois me souvenir que la dans version d'origine Hubert Laws faisait des contrechants à la flute . Donc c'est là :







A propos de melvin Sparks récemment décédé, j'ai trouvé une photo de lui prise une semaine avant sa mort alors qu'il donnait bénévolement des cours au centre de culturel de Tribeca à New york (photo publiée par le bulletin local de Tribeca ).



Mais j'y pense, dîtes donc Tribeca ça ne serait pas ? Mais si c'est là que DSK a loué une modeste maison. Décidément cette histoire c'est comme le scotch de capitaine Haddock on n'arrive pas à s'en sortir.

Demain c'est dimanche !

vendredi 27 mai 2011

Unsung heroes -part three- et bla blas de zinc


Puisqu'avec Dorothy Donegan on s'est risqué dans le bizarre et l'excentrique allons encore plus loin.

Lors de l'enterrement du président Kennedy en 1963,un jeune saxophoniste et flûtiste de Philadelphie nommé Rufus Harley avait été fasciné par le défilé des Bag pipers. Il n'avait eu ensuite de cesse de retrouver sur son biniou (si on peut dire) les accents plaintifs des cornemuseux. Devant l'inanité de ses efforts il finit par se résoudre à acheter une cornemuse d'occasion. Après un travail acharné l'ami Rufus était fin prêt pour une carrière de l'unique cornemuseux africain américain.



Quelques albums chez Atlantic ont tout d'abord rencontré un succès de curiosité due à l'originalité de l'instrument. Ça n'a évidemment pas duré plus que ce que ne durent les succès de curiosité. Excellent musicien, exploitant le côté derviche tourneur de l'instrument pour tenter de recréer les atmosphères modales de John Coltrane, Rufus était plus qu'un simple excentrique. Sonny Rollins ne s'y est pas trompé puisqu'il l'a invité à l'accompagner sur un de ses disques enregistré à Montreux en 1974.




Personnalité un peu allumée, Rufus a continué à jouer jusqu'à la fin de sa vie dans sa ville natale de Philadelphie, avec quelques incursions en Europe, où il a enregistré notamment avec le trio de Georges Arvanitas.

Un petit clin d'oreille à Rufus avec un extrait d'un de ses meilleurs disques « Re-creation of the gods » dans lequel il joue également le prêcheur baptiste, tout en soulignant, ce qui est évidemment indubitable, que l'interprétation du spiritual " nobody knows etc.… " à la cornemuse est une première mondiale.

Rufus Harley, ladies and gentlemen...



Du marketing judiciaire et autres bla-blas de zinc

Sagaces comme vous l'êtes, vous n'avez pas été sans remarquer l'extraordinaire précision de la présentation dans la presse de la victime des activités ancillaires de l'ex-directeur général du FMI. Cette dame serait non seulement extrêmement pieuse mais également extrêmement méritante, veuve élevant sa fille dans le droit chemin, travailleuse modèle louée par ses collègues et par son employeur, voisine délicieuse, fille, tante, nièce, cousine irréprochable.

Je n'imagine pas une seule seconde que tout cela ne soit pas la pure vérité. Ce qui me met mal à l'aise est plutôt le fait que je ne vois pas le rapport. En effet, la victime, à qui doit aller toute notre commisération évidemment, aurait-elle été moins victime de l'agression d'un gros monsieur tout nu sur son lieu de travail, si elle avait été par ailleurs mauvaise mère et menant une vie dissolue ?


Normalement, dans une société évoluée, la justice devrait être la justice indépendamment de la personnalité du plaignant, de la victime ou de l'accusé. En réalité ce n'est évidemment pas toujours le cas et l' « affaire » actuelle le montre bien.

Cela me remémore les campagnes récurrentes contre la peine de mort aux États-Unis, particulièrement en France. Vous remarquerez tout d'abord que ces campagnes contre la peine de mort ne concernent généralement que les États-Unis et jamais la Chine ou le Tadjikistan .Y voir là marque d'un antiaméricanisme latent serait avoir l'esprit mal placé.


Le symbole actuel de la lutte, parfaitement justifiée cela va sans dire, contre la peine de mort aux États-Unis s'appelle Mumia abu-jamal .Noir américain  ancien journaliste radio et militant des Black Panthers,condamné pour le meurtre, qu'il nie, d'un policier, Il attire à priori les sympathies; Par exemple le journal "l'Humanité" mène une campagne persévérante pour lui éviter la chaise électrique. Tout celà est parfait, l'idée même de la peine de mort m'est insupportable.




Pourtant là aussi quelque chose me gêne. Si on est de façon militante contre la peine de mort, tous les condamnés ont droit à notre égale compassion. Il y a eu depuis le début de l'année près de 20 condamnés exécutés aux États-Unis.

Parmi eux se trouvait Frank Spisak, 59 ans, un ancien sympathisant néonazi. Frank Spisak a été exécuté dans l'Ohio pour trois meurtres en 1982 sur un campus universitaire, notamment lors d'une « partie de chasse »destinée à tuer des noirs. Frankie n'avait évidemment rien pour attirer la sympathie. Pourtant la question de la peine de mort est une question de principe indépendante de la personnalité du condamné. Pourquoi aucune campagne pour arracher Franck du couloir de la mort ?



Allez, cessons d'être aussi sérieux et relisons le bon La Fontaine et ses "animaux malades de la peste". Sacré jeannot! Et bien sur je signe où vous voulez pour la grâce de Mumia abu-jamal.


promis, la prochaine fois je ne vous  parle que de musique.

mercredi 25 mai 2011

Unsung heroes- Part two-

Je ne résiste pas au plaisir de vous présenter, à moins que vous ne la connaissiez déjà, une des artistes de jazz les plus singulières qui aient existé, et dieu sait s'il n'en a pas manqué.

Dorothy Donegan, puisqu'il faut l'appeler par son nom, n'est pas franchement connue sous nos latitudes, sous les autres pas beaucoup plus d'ailleurs. Mais elle était la meilleure dans un genre particulier... le genre Dorothy Donegan. Quelque chose d'inclassable , entre Liberace ( le pianiste fou aux 700 costumes qui était au clavier ce que Salvador Dali était au chocolat Lanvin ...) et Art Tatum. Soyons sérieux le côté Art Tatum était pour la musique et le côté Liberace pour le comportement ( en scène et malheureusement en dehors ).

Ses troubles du comportement et son attitude généralement imprévisible ont beaucoup fait pour qu'elle n'obtienne pas le succès qu'elle méritait. On peut, comme c'est mon cas, apprécier moyennement le genre mais force est de lui reconnaître une technique époustouflante, une imagination musicale considérable et un sens de l' "entertainement " rare chez les pianistes.

Elle a peu enregistré. On peut conseiller deux disques. Le premier a été produit par Hank O'Neal pour son label Chiaroscuro ( enregistrement live avec un trio + guest star Dizzy Gillespie ) et l'autre par le label français Black and Blue, en solo .





Sur le côté fantasque de la dame je vous ai fait une petite traduction de ce qu'écrivait notamment à son propos Hank O'Neal, qui avait été son producteur et organisait des croisières musicales sur le SS Norway auxquelles Dorothy a participé à plusieurs reprises :


« Ma dernière rencontre face à face avec Dorothy remonte à Septembre 1994. Elle m'avait téléphoné pour savoir si j'accepterais de l'accompagner aux funérailles du pianiste Haywood henry. Elle ne souhaitait pas y aller seule. C'était une demande parfaitement raisonnable et j'étais ravi d'accepter. Je ne connaissais pas très bien Haywood mais toutefois suffisamment pour lui rendre un dernier hommage.

Dorothy était installée Uptown à l'hotel Marriott Marquis, dans une chambre tout en haut. Elle résidait toujours dans les hotels Marriott parce qu'elle y avait des réductions(1). Comme récompense de sa fidélité année après année, Marriott lui attribuait une grande chambre, avec le plus d'espace possible pour le plus de désordre possible. Ce n'était pas différent cette fois. Quand je suis arrivé, Dorothy était impeccablement prête, Chanel de la tête aux pieds, prête à faire une très grande entrée à l'église St Peter. A contrario sa chambre était totalement sans dessus dessous. Trois ou quatre valises ouvertes traînaient sur le sol, le contenu répandu en tas. Tout comme sa cabine sur le bateau ( le SS Norway quand elle s'y produisait. ndt ), mais où malheureusement, elle avait sensiblement moins de place. Une année la situation a été telle qu'après qu'elle eut quitté la cabine le personnel a du détruire pratiquement tout et changer la moquette. Elle n'était pas vraiment ce qu'on peut appeler une femme d'intérieur...

Nous ne sommes pas restés très longtemps; Il n'y avait rien pour s'asseoir à part des piles de vêtements. Nous nous sommes donc dirigés vers la sortie pour trouver un taxi. Le portier s'est précipité vers elle, la saluant par son nom et appelant pour elle un taxi. Une fois assise, mais la porte du taxi encore ouverte, Dorothy a ouvert son sac à main pour chercher quelque chose. Le portier attendait naturellement un pourboire. Dorothy a alors sorti de son sac la moitié d'une banane, avec la peau, et lui a tendu. Cela lui a probablement donné quelque chose à raconter pour la semaine ( et la suivante ) à venir. J'ai pris personnellement soin du pourboire pour le chauffeur à l'arrivée! » ( traduit par moi et ce n'est pas mon métier!)

Je pensais originellement vous uploader de ma discothèque un extrait d'un disque de Dorothy mais en définitive j'ai trouvé sur Youtube l'apparition de la Diva, à la maison Blanche en présence de Bill Clinton, excuser du peu, en 1993 à l'occasion des célébrations du 40 ème anniversaire du festival de Newport.


Dorothy Donegan ladies and gentlemen...





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(1) Comme DSK au sofitel mais ceci est vraiment une autre histoire...

mardi 24 mai 2011

Unsung heroes

Unsung heroes

"Et nous les petits,les obscurs,les sans grades,
nous qui marchions fourbus,blessés, crottés, malades,
nous qui marchions toujours et jamais n'avancions,
trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berce"

Vous vous souvenez bien sur de la tirade de Flambeau le grognard dans l'Aiglon d'Edmond Rostand ?

Comme dans tous les domaines le jazz n'est pas peuplé que de vedettes flamboyantes.Les petits ,les obscurs, les sans grades y sont aussi légion. Parmi eux il y a eu de très grands talents qui n'ont pas forcément été reconnus à leur juste valeur pour diverses raisons. Je vais essayer de vous présenter sous cette rubrique mes préférés- avec la musique qui va avec si possible.

Aujourd'hui le très grand pianiste et arrangeur Horace Tapscott. Il n'a connu un début de reconnaissance, et encore, qu'à la fin de sa vie, vraisemblablement en raison de son confinement californien.



Ici avec Fred Hopkins (b) et Ben Riley ( dms) .

Horace Tapscott ladies and gentlemen...






On est tous fous d'Anita

vous l'avez deviné, celle que j'appelle familièrement et néanmoins affectueusement Anita n'est autre que la célèbre chanteuse Anita O'Day. Je crois que dans mon précédent blog j'avais déjà largement exposé mon goût immodéré pour l'oeuvre de l'immense Anita.

Laissez-moi raconter une nouvelle fois comment j'ai découvert cette merveille :

ce devait être en 1965 ou en 1966, le ciné-club de mon quartier projetait le film de Bert Stern  "Jazz on a Summer day ", vraisemblablement le meilleur film consacré au jazz jamais réalisé,à propos du festival de Newport de 1958. Je dois confesser que j'ai assisté à la séance surtout en raison de la présence de Chuck Berry ; j'étais à la fin de ma période rock 'n' roll.

Bien calé dans mon fauteuil je m'apprêtais à savourer la prestation de l'ami Chuck (excellente prestation au demeurant, comme toujours avec lui, sur, je crois me souvenir, « sweet little sixteen », Chuck était accompagné par l'orchestre maison dont Joe Jones était le batteur). Dans l'attente du but de mon déplacement j'ai vu défiler des musiciens, que je connaissais de nom pour certains, dont je n'avais jamais entendu parler pour d'autres.

Quand est arrivée , claudicant sur ses hauts talons, chapeautée et gantée comme Audrey hepburn dans ses meilleurs moments, Miss Anita. L'apparence n'était déjà pas rien mais la suite allait me plaquer sur mon fauteuil.

Pour que vous puissiez imaginer, sans littérature inutile, le choc dont je vous parle plus haut, rien de mieux que le clip du film en question. Le voici, le voilà :



inutile de vous dire qu'à partir de ce moment-là je suis devenu un inconditionnel de la dame.

Le hic, car il en avait un, cela aurait été trop simple, c'est qu'à cette époque, dans mon bled ,l'idée de dégoter le moindre disque de la susnommée était un rêve inatteignable. À l'époque pas d' Internet, pas de vente en ligne,et évidemment les disquaires de ma ville de province ouvraient des yeux comme des soucoupes au simple énoncé du nom d'Anita. D'autre part mon état constamment désargenté à l'époque ne permettait pas d'envisager des recherches trop complexes.

Ce n'est que dans les années 80 que j'ai trouvé le premier microsillon disponible, une compilation de ses tout premiers enregistrements , produit intéressant mais qui ne correspondait pas tout à fait au souvenir que j'avais gardé de la prestation cinématographique. Mon état s'étant trouvé un peu moins désargenté j'ai fini par collecter, un par un, les disques d'Anita. Je crois qu'aujourd'hui je les ai tous.

Anita à une carrière particulièrement prolifique et particulièrement longue puisque malgré tous ses excès elle a vécu jusqu'à 87 ans. Partie du circuit des marathons de danse dans les années 30, dont elle était une professionnelle (vous savez comme dans « on achève bien les chevaux »), passée par le rôle peu gratifiant de « canari » (les filles qui faisaient les chœurs pour les big bands de l'époque) puis promue chanteuse à part entière chez Gene Krupa puis Stan Kenton, elle a eu ensuite une carrière solo qui a consisté pour une large part à écumer les clubs à travers les États-Unis avec son batteur john Poole, compagnon musical , initiateur et pourvoyeur d'héroïne, en utilisant les musiciens locaux.

Dans son livre autobiographique « High Times Hard Times » elle raconte par le menu sa vie d'errance puis son rebond, à partir du début des années 60, à la fois grâce au succès du clip ci-dessus et aux merveilleux enregistrements chez Verve. Malheureusement pas traduit en français à ma connaissance, le bouquin est manifestement une commande d'éditeur et la musique disparaît largement derrière une certaine complaisance vis-à-vis de la description du monde interlope dans lequel elle vivait.




Jusqu'à une période relativement récente Anita n'avait pas bonne presse de ce côté-ci de l'Atlantique. Elle s'est faite siffler à Paris avec Benny Goodman. Il est vraisemblable que sa sophistication, à la sauce américaine et le fait qu'elle ne correspondait pas aux clichés qui accompagnaient ici le musicien de jazz (forcément noir, forcément révolté contre le système etc.) sans non plus coller au créneau de la variété, n'a pas joué en sa faveur à cette époque.

Anita était magnifique. Son apparition dans le film correspond un peu à celle de la vierge devant Bernadette Soubirous à Lourdes ou à celle de Rita Hayworth dans Gilda; cela tient du miracle.

Sur le plan musical, il suffit d'écouter ses disques pour en comprendre la valeur. Avec une personnalité, un swing et une incroyable capacité à raconter une histoire elle est sans doute très proche de Frank Sinatra. C'est incontestablement une plus grande musicienne que Frankie. Elle s'est d'ailleurs toujours définie comme une musicienne vs chanteuse.

Sur le plan personnel, les extraits vidéo que nous avons nous le confirment d'une certaine manière, Elle avait une présence scénique incroyable due sans doute à un don naturel, l'habitude du travail de big bands, et un caractère de cochon. Car Anita était une teigne; plus genre nana qui chicore les mecs que douceur féminine. Elle avait semble-t-il su se faire respecter en prison et avait la dent particulièrement dure, notamment envers ses concurrentes. C'est elle qui a dit : « non Ella Fitzgerald n'est pas grosse, c'est tout son argent qu'elle met dans sa ceinture qui l' épaissit. ».

Que recommander à qui ne posséderait pas de disques d'Anita ? N'importe, ils sont tous bons. Allez, commencez par celui avec le trio d'Oscar Peterson; c'est celui qu'elle préférait je crois que moi aussi. Si vous pouvez, essayer de trouver la vidéo d'une émission qui lui avait été consacrée par la télévision japonaise en 1963. Du pur bonheur !

Vous voyez que l'on peut parler d'autre chose que de l'affaire DSK ? Fastoche !



dimanche 22 mai 2011

Blogs à gogo, saison 2

Blogs à gogo, saison 2

comme promis, je poursuis ma présentation des blogs incontournables par celui de Ricky Riccardi , qui se présente lui-même comme " a 30-year-old Louis Armstrong freak  " .

L'intitulé de son blog :THE WONDERFUL WORLD OF LOUIS ARMSTRONG, décrit à lui seul tout le programme de son entreprise.

On ne peut que souscrire à ce travail de célébration de Louis. Évidemment, si Edison n'avait pas inventé l'utilisation pratique de l'électricité, celle-ci serait aujourd'hui à notre disposition quand même puisque quelqu'un d'autre, dans les mois suivants, aurait fait la même trouvaille. Dans une certaine mesure Louis Amstrong est le Edison du jazz. Sans lui le jazz existerait aujourd'hui quand même, mais c'est lui le premier qui en a codifié l'usage, définit l'apparence et a rassemblé des morceaux épars pour en faire un art cohérent. Après "west end blues " les plans de l'architecte étaient tracés ; il n'y avait plus qu'à suivre.

Revenons à Ricky et à son merveilleux blog entièrement consacré à Pops.

Vous trouverez le lien ici :

THE WONDERFUL WORLD OF LOUIS ARMSTRONG


Je ne résiste pas préalablement au plaisir de présenter physiquement l'auteur :




Avouez que quelqu'un qui présente une telle physionomie et une telle joie de vivre apparente ne peut pas être tout à fait mauvais.

Diplômé des meilleures écoles américaines de recherches historiques, Ricky est le « project archivist » (1) du " Louis Armstrong House Museum "  établi dans la maison occupée de nombreuses années par le couple Louis et Lucille Amstrong dans le quartier de Queens à New York. Vous pourrez trouver également ici le lien vers le site du musée.


Ce que j'ignorais avant que Ricky ne me le susurrace, c'est que Louis était un passionné à la fois de la machine à écrire et du magnétophone. Cela explique qu'il ait laissé un volume d'archives considérable composées de notes tapées à la machine ainsi que d'enregistrements sur bandes magnétiques où il confiait ses réactions sur toute une série d'événements. Les archives ont révélé notamment l'extrême sensibilité de Louis à la question raciale, et ses réflexions sur le sujet sont particulièrement intéressantes puisqu'on peut y entendre ce que Louis, compte tenu de son statut d'amuseur public, ne pouvaient pas toujours exprimer ouvertement. Ci-dessous une photo de Louis et Lucille avec, en arrière-plan, son matériel d'enregistrement:




Bien que le blog soit composé pour partie d'analyses musicales précises d'enregistrements de notre héros , parfois il faut l'avouer un peu fastidieuses (TOUTES les versions de Muskrat Ramble analyséees et il y en a des paquets), le sens de l'humour, la compétence et le dévouement total de l'auteur à son sujet rendent très plaisante la lecture de ce blog régulièrement alimenté.

Comme on pouvait évidemment s'y attendre notre ami va prochainement publier un livre. Évidemment sur Louis Armstrong. Le bouquin est annoncé pour le mois prochain :



Je suis impatient de lire les aventures de Louis, l'exégèse de sa musique, ses démêlés avec la mafia (dont son impresario joe glaser était un représentant éminent), enfin sa vie, ses pompes, ses oeuvres. J'espère particulièrement que Ricky fera toute la lumière sur la participation assez longue de Louis à la campagne publicitaire d'un laxatif (suisse semble t il ); ce qui à l'époque a donné lieu à des représentations aussi surprenantes que celle la ( d'autant plus surprenante qu'il semble que ce soit plus l'amour du produit que l'appât du gain qui ait guidé Louis dans cette participation):








Bonne lecture de ce blog et bien entendu un peu de la musique de Louis Amstrong vous attend ci-dessous, avec un extrait du fameux film de  Bert Stern « Jazz on a summer day » (il est vrai plus célèbre pour la séquence Anita O'Day que pour Louis). Enjoy !!




R.I.P


Malheureusement cette rubrique devient la plus fournie de la littérature consacrée au jazz. On dit qu'à partir d'un certain âge on est plus souvent invité aux enterrements qu'aux mariages. Le jazz doit avoir cet âge critique.



Un des derniers tombés au champ de la musique est le guitariste Melvin Sparks. Bien que loin d'être un innovateur ce quasi disciple de Grant Green était un guitariste tout-terrain capable de jouer à peu près tout dans le genre jazzy/bluesy/groovy/funky...il avait commencé sa carrière à l'âge de 13 ans chez BB King, c'est tout dire !


je suis d'autant plus sensible à sa disparition que, à deux semaines près, nous avions le même age ( c'est vrai aussi de Laurent Fabius, mais d'abord il est toujours vivant, enfin il croit,et puis bon…).


J'ai choisi un petit extrait musical de Melvin Sparks, tout naturellement en sideman puisque c'était son rôle le plus habituel. Donc, avec lou Donaldson sur le disque Blue Note de 1971 intitulé "cosmos " (un des derniers enregistrés par Lou sur ce label, et pas forcément un des meilleurs) : Melvin Sparks ladies and gentlemen :




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(1) je ne sais pas précisément ce que ça recouvre mais je devine.