vendredi 2 septembre 2011

Pré-Rahsaan


Etes vous collectionneurs de quelque chose?  Contraventions, ailes de papillons ou peines de cœur ? Sale manie que j’évite le plus possible. Mais quand on est amateur de Jazz comme vous et moi il est difficile d’échapper totalement à cette néfaste pathologie. Il est des artistes dont je tente de posséder, sans trop grande fébrilité tout de même, l’ œuvre intégrale; John Coltrane, Sonny Rollins ou Duke Ellington en font partie. Je croyais mon coup réussi avec Hank Mobley et Roland Kirk. Pour Hank je suis toujours persuadé de mon affaire; Pour Rahsaan je commence à douter. Avec ma petite quarantaine de disques du Kirk je me disais : mon lascar je te tiens, j’ai tout écouté. Et puis je tombe par hasard sur un disque inconnu, celui là:




Il est vrai que j’ai une excuse de l’avoir raté; ce disque enregistré l’automne 1964 porte le même nom qu’un autre, enregistré lui en Juillet de la même année: Gifts and Messages. Le premier est un disque studio, avec notamment Horace Parlan, sorti normalement à l’époque alors que le deuxième est un enregistrement « live » au Ronnie Scott’s club de londres, édité beaucoup plus tard par un label britannique.


Première observation: la photo de couverture est mensongère, en 1964 les Jazzmen, y compris l’ original vestimentaire Roland Kirk, portait des costumes cravates. Lors de cette tournée européenne de 1964 Roland a joué à Paris à l’éphémère club le Zèbre à Carreau et il était cravaté comme tout un chacun. Passons sur ce détail. L’enregistrement est un peu artisanal et le couple basse/batterie est brumeux mais celui que forment Roland avec le pianiste est chaudement restitué ( enregistré par un «  Ferrograph portable recording machine using a resto ribbon microphone » nous disent les liner notes ) et vaut bien certains rendus aseptisés de studio d’aujourd’hui.


Et la musique me demandez vous avec impatience ? Somptueuse! On imagine mal aujourd’hui la modernité de Roland Kirk à l’époque. Tout cela a été enregistré avant que le free Jazz ne déferle sur nos sillons ( et ne les abreuve d’un sang impur bien sur ) et vous a un air libertaire de première. En public Roland savait relier entre elles trois choses indispensables : Le génie musical d’un coloriste sans limite. En cela il s’apparente à Picasso qui ne cherchait pas mais trouvait- L’ancrage dans la tradition qu’il respectait et à laquelle il rendait un hommage constant-le respect du public avec un son coté showman plein d’humour.


Son talent du collage s’exprime dans Come Sunday au strich qui évoque ici la scie musicale des clowns ou sur Reeling and Rhyming où les trois instruments sonnent parfaitement comme une écossaise cornemuse. La tradition du blues s’exprime elle sur un long et inspiré Bag’s groove. L’humour et le sens du spectacle sont toujours présents, feulements, encouragements aux partenaires, cris, hululements toujours parfaitement pertinents. 


Pour les raisons citées plus haut il n’y a rien à dire du bassiste et batteur, qui semblent assurer sans plus ni moins. Par contre avec le pianiste anglais Stan Tracey Kirk avait trouvé un interlocuteur à sa mesure. Tracey était à l’époque le pianiste maison du Ronnie Scott’s et accompagnait au pied levé les américains de passage de Anita O’Day à Freddie Hubbard, un peu comme Georges Arvanitas ici. Mais en plus de sa capacité d’adaptation et d’écoute, Tracey avait une vraie personnalité de pianiste percussif légèrement Monkien qui convenait et pouvait s’exprimer dans le contexte débridé kirkien. Plus tard Stan Tracey produira des œuvres à la Cecil Taylor plus discutables mais, heureusement, en 1964 nous n’en sommes pas encore là.  


Je ne sais si vous pouvez trouver ce disque, je crois qu’en cherchant un peu…c’est tout le mal que je vous souhaite.


Roland « Rahsaan » Kirk ladies and gentlemen, en 1969 cette  fois:




A bientôt petits amis...

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