mardi 22 novembre 2011

Mingus et Strozier

Si vous connaissez le Téléthon, et comment auriez vous pu y échapper, vous avez une idée du système de « fundraising » à l'américaine. Facilité par des pratiques fiscales que nous n'avons pas complètement importées, ce mécanisme permet de lever des fonds, parfois considérables, pour diverses œuvres, associations ou projet culturels. Cela va du financement des documentaires sur la télé publique PBS aux bancs de Central Park qui arborent une plaque au nom du généreux mécène qui veille à leur entretien et à leur réhabilitation- avoir « son » banc à central Park est très tendance chez les familles fortunées et philanthropes-. Les exemples les plus importants en terme financier sont ceux portés par les actuels milliardaires comme Bill Gates ou Warren Buffet.

Et le jazz dans tout ça me demandez vous avec angoisse ? Il n'échappe pas à la règle et de nombreux riches amateurs participent à son financement via des fondations diverses.

Tout ça pour vous parler d'un nouveau projet sympathique auquel vous pouvez participer si vous êtes un peu armé côté pognon.

Le propre petit fils de Charles Mingus, Kevin Elligton Mingus, se propose de réaliser un documentaire sur la vie et l' œuvre de son grand père. Il existe déjà des documentaires sur CM, j'en ai vu au moins un, mais la dimension du musicien et du personnage est telle qu'une nouvelle œuvre sur lui ne peut qu' être bienvenue. Ajoutez y le fait que beaucoup des témoins qui ont participé de près ou de loin à l'aventure Mingus ne seront pas toujours là et que le petit fils peut avoir accès à d'intéressantes archives ou témoignages familiaux.


Le principe est de fonder le financement sur des dons du public. A l'instar du Téléthon vous pouvez donc faire des promesses de dons d'ici le 18 décembre, date à laquelle l'opération s'arrêtera si le chiffre nécessaire à la production ( 45 000 $ ) n'est pas atteint. Tous les souscripteurs auront droit à des avantages, le DVD cela va de soit mais aussi un traitement de VIP pour les projections etc...

Voici le lien vers le site qui explique le mécanisme et recueille les dons :


L'héritier Mingus vend son projet dans la vidéo ci dessous.

A vot' bon cœur messieurs dames :


Strozier

Pour ma rubrique maintenant bien fournie des Unsung Heros du Jazz, il m'est venu à l'esprit d' évoquer un des cas les plus déprimants de l'histoire : celui de Frank Strozier.

Songez que rien dans la carrière de ce type n'éveille l'attention : Pas de génie précoce ni de de destin romanesque à la Chet Baker, avec son cortège d'addictions, chute dans les enfers et résurrection. Ne comptez pas non plus sur une disparition prématurée ( né en 1937, Frank semble toujours, et tant mieux pour lui, en vie à ce jour ) qui l'aurait transformé en icône comme Clifford Brown ou Booker Little. Rien non plus dans le genre déchéance, descente SDF ou du même genre, ce qui plaît toujours dans les biographies tourmentées.

Ne comptez pas sur lui non plus pour avoir, même de loin, participé à des œuvres majeures du Jazz ni même figuré dans des phalanges prestigieuses comme Charles Mingus ou Duke Ellington.

Un des nombreux talentueux musiciens de Memphis qui en regorgeait à l'époque, Frank ne s'est pratiquement pas singularisé, en aucun domaine. Sa discographie est particulièrement maigre : deux disques en 1960/61 chez Vee Jay et Atlantic ; Deux disques en 1961/62 chez Jazzland qui n'ont jamais été réédités à ma connaissance ; et enfin deux disques dans les années 70 chez SteepleChase qui n'ont eu aucun succès. Les précédents non plus d'ailleurs, à une exception près. Et encore l'exception ne tient pas à une reconnaissance de notre Frankie mais à la présence discographique, rare puisqu' il a disparu à l' âge de 23 ans, du grand trompettiste Booker Little. C'est ce disque là :



Outre Booker Little, l'orchestre est composé de la section rythmique de Miles Davis à l'époque : Winton Kelly, Paul Chambers, Jimmy Cobb . C' est réellement un témoignage important.

Altiste parkérien comme on se devait de l'être à l'époque, FS avait fait évoluer son jeu vers quelque chose de plus tranchant, comme acidulé, qui le rapprochait beaucoup de Jackie McLean ou de John Jenkins . Il semble que ce ne soient pas les qualités musicales ou une personnalité affirmée qui lui aient manqué mais simplement de ne pas avoir été au bon endroit au bon moment. Manque de bol caractérisé quoi !

Un peu désespéré de cette absence de reconnaissance, Frank Stozier, après avoir participé à quelques aventures musicales comme celle du big band de Don Ellis et avoir été fugacement chez Miles Davis, abandonnera le sax pour se tourner vers le piano, sans plus de succès d'ailleurs.

On peut le trouver également comme sideman avec Roy Haynes ( Cymbalism en 1963), Chet Baker et le MJT+3 du batteur Walter Perkins par exemple.

Frank Strozier a été un peu un artiste maudit ; plein de talent avec une voix personnelle, il est resté quasi anonyme et mérite le détour des amateurs.

Pour vous faire envie quelques extraits musicaux.



Frank Strozier ladies and gentlemen :





Consciencieusement, j'ai réécouté les disques de Frank Strozier pour les besoins de cette mini chronique. A mon très humble avis le meilleur et le plus représentatif de son talent est celui là ( enregistré en 1961, Frank n'avait que 24 ans à l'époque ) :


Arrangeur et leader d'un combo où figurent ses compatriotes de Memphis Harold Mabern -piano- et George Coleman – ts – il se taille la part du lion dans les chorus, à l' alto et à la flûte. Petite curiosité de la composition de l'orchestre: deux des participants ont des progénitures plus célèbres qu'eux. Le sax baryton Pat Patrick, familier de la troupe de Sun Ra, a eu un fils, Deval Patrick, qui est l'actuel gouverneur du Massachussets et une figure influente du Parti Démocrate. Quant au bassiste Bill Lee son rejeton n' est rien moins que le fameux cinéaste Spike Lee. Anecdotique mais amusant non ?

Un extrait de ce disque:


A bientôt chers petits amis...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire