mardi 5 juillet 2011

Don vs Tina

L'anti Tina.

Attention petits amis, si vous n'avez pas lu le message précédent celui là va vous paraître abscons. C'est le probléme des blogs qui ne permettent pas la continuité puisqu'on tombe toujours sur le dernier message.

Donc résumé des épisodes précédents, Tina Brooks ne connaît que des déboires, Tina enregistre chez Blue Note des disques non publiés, Tina se retrouve dans l'orchestre de Ray Charles.

Il se trouve qu'un autre musicien a beaucoup de points communs avec Tina, il jouait aussi du saxophone ténor, il était né la même année - 1932-, il a joué chez Ray Charles et a enregistré chez Blue Note. Mais pourtant on ne peut trouver artiste plus dissemblable. On dirait une devinette et je vous sens tout intrigués. Je ne vous laisse pas languir plus avant, il s'agit de Don Wilkerson. Comme je vous trouve aujourd'hui dignes d'un Don ( pas mal hein ? ) je vais vous narrer briévement ses aventures.

Don Wilkerson était, dit on, le prototype des ténors texans. Le lone star state comme on appelle le Texas, notre Don a d'ailleurs enregistré un "Lone star shuffle", a produit des paquets de ténors au gros son et à la réthorique directe comme Buddy tate, James Clay ou Arnett Cobb. L' exemple ultime est Illinois Jacquet. Le point commun entre Don et Illinois est que bien que Texans ils sont tous les deux nés en Louisiane! Allez comprendre.

Notre Don a donc commencé sa carrière comme vous et moi dans les orchestres de rythm and blues, ce qui l'a amené naturellement chez Ray Charles- Il commence là où Tina finit en quelque sorte.

Et alors ? Haletez vous. Et bien chez Ray il grave quelques solos qui sont restés absolument mémorables. Sur "Hallelujah I love her so" par exemple mais surtout sur "I got a woman", un chorus définitif qui fait qu 'aujourd'hui encore l'interprétation de "I got a woman" ne se conçoit pas sans reproduire à la quasi identique son intervention. De la même manière qu'aucun orchestre dixieland qui se respecte ne jouera "High society" sans référence au solo d'Alphonse Picou, ou qu'un arrangement de "Flying Home"ne peut s' envisager sans le chorus d 'Illinois Jacquet sur icelui.

Je vous remets ça en oreille, ci dessous : I got a woman, featuring Don Wilkerson :



Vous y êtes , ça y est ?

Mais notre Don qui n'en manquait pas ( de dons ) a voulu voler de ses propres ailes. Il a d'abord trouvé un producteur de bonne volonté qui n'était rien moins que Cannonball Adderley qui jouait alors les talent scouts pour le label Riverside. Il lui a fait enregistrer ça en 1960:



Vous remarquerez que Cannonball avait le sens de la famille puisqu'il avait quand même pris soin de fourguer son frangin Nat au cornet. Ce disque est très très bien et mériterait d'être plus copieusement réédité car je ne l'ai pas vu souvent dans les bacs.

Deux ans plus tard commencent pour lui les aventures Blue Note. Don n'avait rien du tout d'un artiste Blue Note de l'époque ( si on excepte peut être Ike Quebec qui était un cas à part ).Mais Blue Note, firme indépendante et souhaitant le rester, avait besoin de sous et cherchait constamment le tube qui permettrait de financer les choses plus aventureuses de Jackie McLean ou Grachan Moncur III ( j'adore ce nom ). Alfred Lion, toujours lui, s'était bien refait avec le succès du Sidewinder de Lee Morgan et les disques de Jimmy Smith mais le besoin financier demeurait lancinant, ce qui explique les flopées d'enregistrements du format populaire à l'époque orgue/ténor. Les disques de Don participaient de cette visée mais il faut reconnaître à Alfred qu'il n'allait jamais très loin dans les concessions et qu'il avait pris soin d'entourer notre fougueux texan de musiciens maison comme Grant Green, somptueux dans toutes les séances, Sonny Clark, Billy Higgins ou John Patton.

Le résultat a donné trois disques, ceux là :





Deux en 1962 et un en 1963. Malheureusement et pour Don et pour Alfred le succès populaire escompté n'a pas été au rendez vous et la collaboration avec Blue Note s'est arrêtée là, les aventures discographiques de Don également.

Je vous parle d'autant plus volontiers de Don Wilkerson que dans mes jeunes années je l'ai pas mal écouté. D'abord dans le "I got a woman" précité dont je passais le chorus de ténor en boucle, sans savoir évidemment qui en était l'auteur, les pochettes de l'époque de Ray Charles étaient muettes sur le personnel. Ma deuxième rencontre avec Don a été due au fait que son " Camp Meetin'" a été toute l'année 1963 l'indicatif de l'émission mythique d'europe n°1 " Pour ceux qui aiment le Jazz "( de Frank Ténot et Daniel Filipacchi bien sur ). Conséquemment le LP correspondant s'est assez bien vendu en France et, figurez vous, je ne l'ai pas acheté! Ce n'est que bien longtemps après , quand les Blue Note connus et inconnus ont été réédités par vagues, que j'ai pu remettre la main et l'oreille sur ce lancinant "Camp Meetin'". Ci dessous l'édition française de l'époque ( vendu en format 45 tours ):



Après l'échec de cette tentative Don est revenu chez le boss Ray Charles, a joué aussi avec BB King, puis est retourné dans son Texas, pas natal mais presque, où il a continué de jouer localement jusqu' à sa mort en 1986 à Houston.

Comme pour Tina je viens de réécouter la (petite ) oeuvre complète de Don. L'honnêteté commande de dire que ce n'était pas un musicien qui brillait par une imagination débridée. Ses chorus ont une construction simple, terriblement efficace et basée essentiellement sur le blues. Mais bon sang quel son, d'une profondeur et presque d'une modernité incroyable. Le lecteur a bien compris qu'entre Don et Tina je penche incontestablement pour le premier.

Puisqu'on parlait de ça, Camp Meetin', ladies and gentlemen, Dooooon Wiiiiilkersooooooooon!!!


A bientôt chers petits amis.


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