dimanche 17 juillet 2011

valaida

Vous connaissez tous la très belle et très triste histoire de la chanteuse-trompettiste Valaida Snow ? Si non je vous la narre fissa, du moins telle qu’on la narrait jusqu’à il y a peu.


Résumons, Valaida était très gentille et vivait avec ses soeurs Alvaida et Lavaida ainsi que son frère prénommé lui Aviator ( certains auteurs prétendaient même que les trois sœurs Snow avaient une quatrième sœur prénommée White, White Snow ou Snow White ici connue comme Blanche neige, mais cette hypothèse n’a jamais été sérieusement retenue (1) ). Le papa de Valaida était blanc et avait été assassiné par les méchants du Klu Klux Klan parce qu’il avait épousé par amour la maman de Valaida qui était noire.


Follement douée pour la musique et la danse, Valaida a fait une carrière internationale brillante, a connu, au sens biblique du terme, Earl Hines et Maurice Chevalier et s’est produite dans le monde entier devant des parterres de têtes couronnées bouleversées d’admiration pour son talent.


Mais les méchants qui avaient tué Papa conspiraient toujours dans l’ombre. Recyclés habilement de KKK en Nazis, ils profitent d’un moment d’inattention de son ange gardien, tuent son manager parce qu’il était juif, capturent Valaida qui est détenue pendant des années dans un camp de concentration  très sévère jusqu’à ce que l’oncle Sam  vienne la libérer.


 Brisée par ce cauchemar, notre héroïne ( si je puis dire parce que bon, de ce point de vue…) rentrera au pays de la liberté et de la démocratie mais ne recouvrera jamais ni sa gloire ni sa santé et décédera en 1956 des séquelles des sévices subis. Pour faire bonne mesure, la première édition du Dictionnaire du Jazz nous apprend que sa voix évoque Maxine Sullivan et son jeu de trompette ceux de Doc Cheatham ou Benny Carter


La première fois que j’ai lu cette histoire je me suis dit: bigre quel beau sujet de roman historique. De fait je n’ai pas du être le seul puisqu’on signale deux romans ayant pour thème la vie de Valaida: "Valaida" de Candace Allen en 2004 et "Noire, la neige" de Pascal Rannou en 2007. Je n’ai pas lu ces livres, le très mauvais titre du deuxième, écrit par un spécialiste de la littérature bretonne (!), ne m’incite guère à le lire.


Malheureusement toute la partie larmoyante de la vie de VS est partiellement fausse et ressemble plus à la vie des saints ou à la biographie de Trotsky par Jean Jacques Marie qu’à la vérité.

Dans ce cas les biographes n’ont fait que reprendre les mensonges habilement distillés par Valaida elle-même.


Tout d’abord elle ne se prénommait pas Valaida mais plus prosaïquement Valada ( une autre sœur a bien existé sous le nom de Lavada Carter mais Alvaida n’a jamais existée). Le père était noir , n’a jamais été tué par le KKK et, au lieu de protéger une troupe d’orphelins comme la légende le raconte, exploitait éhontément ses enfants qu’il forçait à mendier vêtus de haillons et récupérait l’argent. Quant au clou de l’histoire, la détention en camp de concentration qui a fait fantasmer les biographes, il n’a tout simplement jamais existé. En séjour à Copenhague au moment de l’invasion du Danemark elle est arrêtée pour vol et trafic de drogue et purge une peine de cinq mois de prison, dont elle sort sans aucune intervention des autorités américaines.


Nous savons tous qu’il faut prendre avec beaucoup de pincettes les bios nourris par les musiciens eux-mêmes souvent prisonniers de belles histoires racontées à un moment donné pour rendre leur image plus attrayante, de Jelly Roll Morton inventeur du Jazz jusqu’à Satchmo né le 4 juillet 1900 on a tout vu dans le genre! Avec Valaida on atteint toutefois un sommet dans la fantaisie .Quant à la trace de Doc Cheatham et Benny Carter dans son jeu, je viens de réécouter notre héroïne trompetteuse et j’entends Louis Armstrong comme tout le monde à cette époque mais peut être  un fond de Cootie Williams, Red Allen qui annonce Roy Eldridge non ? La voix claire proche de Maxine Sullivan est par contre justement notée. On peut trouver ses disques notamment dans la collection "Classics" The chronogical.


Ajoutons une histoire réelle celle là, à la Gabrielle Russier pour ceux à qui ce nom dit encore quelque chose. VS a également purgé quelques mois de prison, à l’instigation de sa belle famille, au motif de bigamie, pour avoir épousé un danseur de 19 ans alors qu ‘elle en avait plus de 30. Le fait que son premier mariage n’ait jamais été réellement enregistré lui a sauvé la mise.


C’était sans compter avec la vigilance de l’historiographie yankee. Déjà Robert Paxton avait ruiné les idées de grandeur française ( vous savez quand tout un chacun était résistant et sauvait des juifs à tour de bras ). Pour VS c ‘est l’historien Mark Miller dans son livre "High Hat, trumpet and rythm" qui a en 2007 fait litière de toutes ces carabistouilles.


La vérité existe quand même: elle a effectivement parcouru le monde de la Chine à la Russie, fait un long séjour en Europe, dont la France où elle a joué dans plusieurs films, s’est distinguée par des excentricités ( pendant une période elle possédait un singe et un chauffeur tous deux vêtus de la même livrée!) et a été réellement une excellente trompettiste et chanteuse qui aurait certainement fut elle demeurée aux Etats Unis joui d'une reconnaissance beaucoup plus large que l’oubli dans lequel elle est quasiment tombée aujourd’hui.


Pour vous faire une idée par vous-mêmes quelques  extraits musicaux de sa grande époque plus une vidéo du temps de son essai de come back après guerre, avec le Ali Baba Trio assez croquignolet…


J’aime beaucoup Valaida Snow.


Valaida Snow ladies and gentlemen  .






A bientôt chers petits amis.
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(1)  Attention, ceci n'est pas à prendre au sérieux!

1 commentaire:

  1. Les gros bobards font aussi les grands jazzmen... C'est vrai qu'il faut se méfier de tout ce qu'ils écrivent ou racontent... ce que tout un chacun s'empresse de répéter et déformer.
    Amusante vidéo avec un trio de Shriners...

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