samedi 2 juillet 2011

Jack and Charlie



( Pas ) RIP



Une nouvelle rubrique qui normalement devrait rester tout à fait exceptionnelle. Voilà quelques jours un journal de Los Angelès annonçait le décès du trompettiste Jack Sheldon. Annonce impeccable avec notice nécro et tout; rappel de ses hauts faits de trompettiste et de comédien pour la télé ( tendance grosse blague quand même ).

A 80 ans Jack Sheldon avait l'âge où la présence dans la rubrique décès semble plus naturelle que dans la rubrique mariage ou première communion ( ou bar mitzvah c'est comme vous voulez ). Le hic est que l'ami Jack se porte comme un charme et n'a pas plus envie de mourir que vous et moi.

Émoi dans le landernau de la musique et de la télé, excuses aplaties au maximum de la gazette. Je me mets à la place de Jack, c'est contrariant.

Jack Sheldon a connu une première partie de carrière très "West Coast" avec Jimmy Giuffre, Stan Kenton, Art Pepper etc, que du beau monde. Si vous voulez l'entendre au mieux de sa forme vous pouvez vous procurer ça:



Dont voici un extrait:




Sa personnalité très extravertie et ses dons de comédien l'ont ensuite propulsé vers des activités plus rémunératrices d'amuseur public à la télé, mais il n'a jamais délaissé la trompette. Il a joué récemment sur un disque de Cheryl Bentyne ( Cheryl vous la connaissez, elle était une des deux chanteuses des Manhattan Transfert, pas la petite blonde, l'autre, la grande bien roulée ) recréant le "Let me off uptown" rendu célèbre par le duo Anita O'Day / Roy Eldridge Chez Gene Krupa. Je souhaitais vous le faire entendre, malheureusement Youtube a supprimé cette vidéo; mystère de Youtube!




Allez je ne vais pas vous laisser en plan, vous demandant à quoi pouvait ressembler ce fameux duo Anita / Roy (1) . Le voilà en 1942, Anita a 23 ans, elle est charmante, Roy souffle comme un damné ( mais c'est en Play back ) et j'adore ça.



(1)  Dans l'orchestre de Gene Krupa, Anita était la seule représentante d'une minorité, celle des femmes, parmi dix huit messieurs. Roy quant à lui était le seul noir d'un orchestre de dix huit blancs ou à peu près. Ce statut de minorité aurait normalement du les rapprocher. En réalité ils étaient fâchés et sont restés des années sans se parler . Est ce qu'on m'aurait raconté des histoires avec la solidarité des minorités opprimées face aux classes dominantes ?


Charlie au pays des Soviets.


Disparu à 35 ans Charlie Parker a laissé une oeuvre discographique considérable mais tout compte fait assez peu d'enregistrements décents le saisissent "live". Parmi ceux ci l'enregistrement en 1952 du "Rockland Palace Concert" est resté un peu mythique, essentiellement en raison de la très faible qualité de l'enregistrement qui le rendait presque inaudible. A la fin des années 90 une nouvelle bande a été exhumée qui permet de se faire une idée plus précise . L'intérêt de ce concert est qu'il documente à la fois une période difficile pour le Bird, et un format inhabituel en concert, celui d'un quintette Jazz augmenté d'une section de cordes. Période difficile car Charlie Parker en 1952 avait commencé l'accélération de sa descente aux enfers- alcool, drogue etc- qui allait le conduire à sa perte trois ans plus tard. On peut se procurer les deux CD qui composent cette édition. Mais ne rêvez pas malgré des améliorations ce n'est pas encore la qualité sonore à laquelle nous sommes maintenant habitués.

Ce qui est intéressant d'un point de vue historique est que cette apparition de Charlie était en fait bénévole et destinée à soutenir Benjamin Davis, alors en prison et menacé d'un procès. Benjamin Davis était un des dirigeants New Yorkais du Parti Communiste Américain et le concert du Rockland Palace était organisé par le Parti Communiste.
On a de la peine à imaginer aujourd'hui que Charlie Parker et ses musiciens ( Max Roach, Walter Bishop, Teddy Kotick et curieusement le guitariste Mundell Lowe, que l'enregistrement ne permet d'ailleurs pas d'entendre ) aient participé à un tel événement. Mais on est en plein McCarthisme et les communistes américains trouvent alors des soutiens parmi une certaine communauté artistique .Ce courant de sympathie ne durera pas, le sectarisme, le caractère groupusculaire et l'inféodation totale du PCA à l'URSS de Staline auront raison des meilleures bonnes volontés. Benjamin Davis lui même, qui fut incontestablement persécuté, finira secrétaire général du Parti et en 1956 approuvera bruyamment l'intervention soviétique en Hongrie.

La trajectoire de certains de ces artistes ( Le chanteur et acteur Paul Robeson, l'acteur vedette John Garfield qui se suicidera sous la pression, les scénaristes hollywoodiens comme Dalton Trumbo ) a été totalement dramatique. Persécutés par le Mc Carthisme, ils se sont engagés corps et âmes pour défendre une cause qui était bien pire que celle de ceux qui les combattaient (1). Bien sérieux aujourd'hui le Gaston ? Allez un petit Charlie pour oublier, enregistré live aussi trois semaines après le Rockland Palace :




Charlie "Bird" Parker ladies and gentlemen:





(1) Cela n'enlève rien évidemment au jugement qu'on peut avoir rétrospectivement sur le Mccarthisme qui restera une tache indélébile sur l'histoire des libertés américaines. 

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