mardi 7 juin 2011

sans tambour ni trompette

Chers petits lecteurs bonjour,

vous vous souvenez sans doute, car vous vous souvenez de tout, que récemment je vous instruisais à propos du « cross over ». Mais si vous vous en souvenez !

Il se trouve que je viens de réaliser que le crossover peut aussi être réversible, à l'instar de certains trench coats.

J' explique: généralement ça consiste à utiliser une musique pas faîte pour ça, genre blues ou gospel, y ajouter des paroles franchement profanes, genre romance cul cul la praline, plus un zeste de violons .

Ma découverte vient de l'écoute de ça :




Ce que vous venez d'ouïr ce sont les "five blind boys of alabama", groupe de gospel parmi les plus réputés des Etats Unis. Et que chantent ils les garnements ? Bien sur leur amour de Dieu. Le récitant nous explique comment sa femme a survécu à un terrible accident d'automobile, grâce à Dieu of course, et que depuis il clame à tous vents son amour pour le créateur. Bon, vous étonnez vous, où est le problème? c'est un groupe de gospel ils ne vont tout de même pas chanter l'Internationale ou le curé de Camaret! Certes petits amis mais vous êtes vous intéressés à la musique ? Bien sur c'est un slow, et un des plus langoureux , vous pigez maintenant le crossover inversé ?

En fait mon interrogation, et mon inspiration religieuse, à l'origine vient de ma lecture en cours de ça :






La biographie de Sam Cooke par Peter Guralnick, un des meilleurs biographes musicaux ( on lui doit une somme sur Elvis Presley ). Ma lecture en est encore au début de la (courte) carrière de Sam, quand il était chanteur dans des groupes gospel dont le plus célèbre était les "soul stirrers"».

Parfaitement documenté sur les conditions de l'époque ( ce type doit entretenir une armée de nègres littéraires) des tournées gospel au travers du sud des Etats Unis, Guralnick nous en révèle les dessous. Nos messagers du seigneurs avaient fait leur la maxime de Tartuffe ("il est avec le ciel quelques accomodements") et, auréolés, si on peut dire, de leur gloire, se livraient au championnat régional de fornication pendant leurs incessantes tournées- quelle santé d'ailleurs- . Le jeune Sam Cooke au visage d'ange n'était pas en reste et sa glorification constante du créateur ne l'avait d'ailleurs pas empêché de passer trois mois en maison de correction pour « diffusion de littérature pornographique ».

Guralnick va plus loin et s'interroge en lousdé sur la réalité des phénomènes d'excitation collective, parfois véritables scènes de transe, observées chez les dames de l'assistance quand paraissaient les éphèbes chantant le seigneur. Il nous faudrait convoquer Freud et Lacan pour éclaircir les mystères de la transe religieuse expliquée par la sexualité, mais je me demande si ça n'a pas déjà été fait...

Un mot quand même sur nos Blind boys, dont voilà une photo:




Bien sur, comme moi, vous vous étonnez que les five blind boys ne soient pas cinq. Vous m'objecterez que les trois mousquetaires étaient bien quatre et que ça ne semble gêner personne. Mouais mais entre des blind boys et des mousquetaires il y a une marge.

Du coup si les five ne sont pas cinq , sont ils vraiment aveugles ou font ils semblant? Et sont ils bien originaires d'Alabama ? Et enfin « boys »? Si ça se trouve ce sont des transsexuels du Dakota à la vue acérée. Vous voyez ou ça mène le scepticisme?

Quoiqu'il en soit nos Blind Boys sont toujours en activité et ont enregistré en 2004 un album avec le chanteur Ben Harper ( il y a aussi une vidéo). Le groupe avait été fondé en 1937 dans un institut de jeunes aveugles noirs d'Alabama. Bien sur, comme le Golden Gate Quartet, les membres d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'origine et le groupe a enregistré de bons disques mais aussi d'autres plus, on va dire "franchement commerciaux" pour ne pas être discourtois envers des handicapés, ce qui au jour d'aujourd'hui peut vous mener loin.


Unsung Heroes, nouvel épisode

Comme tout un chacun, je suis un utilisateur forcené de l'Ipod ( prononcez aïepode) qui présente deux avantages compétitifs: le premier c'est de pouvoir faire des séances de rattrapage d'écoute de musique en retard dans les endroits les plus incongrus. Le deuxième c'est d'éviter d'entendre le bavardage de mes contemporains sur les sujets d'actualités ( au choix DSK, la bactérie machin ou l'augmentation de la recrudescence...) quand je fais mon marché. Ajoutez à cela la merveille qu'est la synchronisation avec la bibliothèque Itunes ( prononcez aïe tioune ) pour peu que vous l'ayez nourrie préalablement, et vous ne pourrez plus vous passez de ce machin.

Dans mes rattrapages j'avais ça:





un bon disque de 1960 de Charlie Rouse hors de son contexte monkien habituel. A ce propos je me souviens que lors d'une de ses interviews il y a bien longtemps thelonious disait «  vous savez pourquoi Charlie Rouse est célèbre ? C'est à cause de son prénom, on le prend pour Charlie Chaplin! » Je me suis toujours demandé si thelonious était vraiment allumé ou si il le faisait exprès pour décourager ses interlocuteurs.

Quoiqu'il en soit , poussant mon chariot dans les allées "biscottes et viennoiseries" de mon supermarché habituel, j' entend un excellent pianiste derrière Charlie et m'interroge illico sur son identité. Le seul ennui pour le mélomane avec l'Ipod c'est qu'il est muet sur le personnel de la séance ( allez encore un effort M. Jobs ). Rentré chez moi, délaissant mes courses et laissant fondre la succulente crème glacée, je découvre que ce pianiste- excellent répète-je- est... Billy Gardner.

Le nom me disait vaguement quelque chose mais alors très vaguement. Une recherche rapide dans ma discothèque me le fait retrouver , à l'orgue Hammond cette fois dans ça:




Un excellent Grant Green de 1961.

Et puis dans ça:





L'intégrale des enregistrements de George Braith ( le Roland Kirk du pauvre disent les méchantes langues, dont je ne suis pas ) chez Blue Note en 1964, toujours aux côtés de Grant Green.

On le signale aussi avec Johnny Hodges en 1968, sous le nom de Willie Gardner, et sur un des rares disques de lou Donaldson que je n'ai pas (Fried Buzzard ). Pas grand chose d'autre. Un participant à un forum jazzeux américain le signale dans le "one foot in the gutter" de Dave Bailey, mais c'est faux j'ai vérifié, c'est Horace Parlan qui est au clavier.

C'est un des musiciens les plus méconnus que je connaisse ( vous noterez l' oximore latent de ma phrase). Il serait mort jeune, mais c'est quoi « jeune »?, à Chicago dans les années 70...

J'ai réécouté les disques ci dessus dont l'intégrale George Braith ce qui est méritoire et je confirme, que ce soit au piano ou à l'orgue, Billy Gardner était vraiment talentueux.

Un petit Billy messieurs dames, avec le Charlie Rouse dont je vous parlais au début.

Billy Gardner ladies and gentlemen...



 A bientôt chers petits amis.



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