jeudi 2 juin 2011

sornettes et Ornette

Rejoignant mes élucubrations assez limitées sur les festivals ( festivaux?) de jazz en France, je suis tombé ce matin sur un article publié dans « Jazzonline » qui évoque, beaucoup mieux que moi et surtout plus sérieusement, la problématique de la vie du Jazz. Ce papier qui est du mois dernier, semble pas mal tourner puisqu'il avait été repris par le célèbre « Huffington Post » mais il avait été originellement publié sur son site ( genre libéral de gauche à l'américaine ) « Truth2Power » par son auteur Brian Ross.

A la demande générale j'en fait une traduction libre et rapide; qu'est ce que je ne ferais pas pour vous, petits gâtés!


Le Jazz passe au second plan au New Orleans Jazz & Heritage Festival.

"Peut être est il temps que les promoteurs du festival annuel de la nouvelle orléans l'admettent. Le jazz peut bien être mis en exergue de la signalétique et des affiches au festival de Jazz, il est le parent pauvre sur le terrain.

Il y a une raison évidente pour ça: Le Jazz ne rapporte pas beaucoup d'argent. Son petit chapiteau était rélégué derrière la scène principale, sponsorisé par une firme japonaise d'automobiles, où les décibels des énormes hauts parleurs beuglant la musique de groupe comme Arcade Fire couvraient la musique du Mingus big band et autres groupes de jazz.

Seule la musique éponyme d'un festival de jazz est traité avec une telle désinvolture. Ni le gospel, ni le blues, ni le Cajun ne sont traités de la sorte.

Ce n'est évidemment pas la première année que les choses se passent ainsi.

C'est difficile à avaler pour les amateurs de jazz comme moi, particulièrement dans la ville qui a vu la naissance du jazz. Évidemment le jazz ne brasse pas des milliards de dollars en entrées et produits dérivés; le rock et la pop si!

Naturellement les organisateurs vont où est l'argent. Les vedettes du « rock » sont au centre du festival . Quant au Mingus big band ? Vous pourrez l'entendre convenablement si vous n'êtes pas assis au fond du chapiteau à côté des monstrueuses enceintes qui entourent la scène principale à quelques dizaine de mètres.

On ne peut évidemment pas blâmer les organisateurs. Depuis la fin de l'ère be bop en 1955 où cessant d'être un « entertainement » populaire , le Jazz s'est mué en forme artistique, il est devenu une espèce en voie de disparition.


 En même temps que sa palette s'élargissait, de l'acid jazz à la fusion en passant par le n'importe quoi, il a perdu de sa popularité tout en gagnant de l'intérêt chez les « intellectuels ». Aujourd'hui, la musique de jazz est largement académique. Elle est enseignée et pratiquée dans les écoles et les universités dans tout le pays.

En dehors de ces lieux scolaires, la musique de jazz est toujours jouée professionnellement aux états Unis, pour une audience en régression , largement blanche, d'ex beatniks ou « post-hippies » qui doivent souvent se regrouper en associations pour promouvoir leurs artistes préférés.

Bien que le jazz fut inventé à l'origine par les Africains Américains, ces derniers parmi les plus jeunes se tournent aujourd'hui vers des choses plus rentables: Hip Hop, Techno ou Rap.

La musique qui est née de tradition africaine dans les bars, bordels et trottoirs de la nouvelle orléans est maintenant jouée dans le monde entier par des musiciens passionnés et de grand talent. Il n'est pas rare de voir dans les orchestres « nouvelle orleans «  traditionnels un clarinettiste français ou un pianiste japonais. Au festival il y avait un batteur chinois et un bassiste russe...


Le jazz n'a aucune super star dans une amérique pop-isée, qui est fascinée par les derniers propos de Justin Bieber ou la dernière tenue vestimentaire scandaleuse de Lady Gaga.

Bon, avant que je ne sois écorché vif par des jazz fans rendus fous, oui mes amis, Winton Marsalis et Christian Mc Bride et Chick Corea sont de grands noms pour tous ceux d'entre nous qui aimons cette musique. La plupart des gens extérieurs au monde du Jazz croient que cette musique c'est Kenny G, pas Herbie Hancock ou Chick Corea

Le site « Fifteen most influential Jazz Artists » ne retient pas un seul artiste vivant aujourd'hui. Le jazz, comme la musique classique est devenu le signe d'un goût raffiné. John Coltrane, Charles Mingus, Charlie Parker ou Thelonious Monk, pour en citer quelques uns, ont poussé la musique au delà de son conformisme et en ont exploré les limites . Est ce que cela a rencontré le succès artistique ? Évidemment. Toutefois l'éloignement du grand public a conduit au désastre financier. La pop n'est pas très forte sur l'harmonie, pas non plus sur la liberté mélodique. La pop consiste à interpréter la chanson comme elle déjà été interprétée avant, avec des variantes mineures.

Le jazz moderne est déviant. Il explore, il redéfinit mais ça n'intéresse évidemment guère le monde des affaires musicales.

Ce qui manque aujourd'hui c'est un Ahmet Ertegun, fondateur d'Atlantic ou un Alfred Lion, fondateur de Blue Note. Ces hommes derrière les artistes qui savaient les promouvoir, les rendre audacieux, pertinents, « cool »...Le dernier coup d'Ertegun avant sa mort a été la promotion de Norah Jones qui représentait une tentative de revenir à une forme d'art populaire à nouveau.

La forme académique, le refuge des musiciens de talent, grands et moins grands, préserve la musique mais il la limite également. Ce qui est appris à l'école n'est pas « cool » !!

La plupart de la grande musique américaine est née et s'est développée dans les quartiers les plus pauvres, les églises et les bouges les plus humbles. Il est aussi question de l'interdit, de créer des choses nouvelles et, disons le sans nous voiler la face, de faire chier vos parents. La musique est un combat générationel et une forme de rébellion contre la génération précédente.

Le jazz des années folles était celui de la prohibition. Il était libre. Il était sauvage. Il était sulfureux.

Le rock était la musique qui corrompait la jeunesse.

Maintenant c'est le tour du rap.

Le jazz a besoin d'une étincelle, il a besoin de nouveauté. Il faut respecter l'histoire certes mais pour la transcender . Le jazz a besoin d' être « cool «  à nouveau . Il doit rester une contre culture. Il doit faire chier les parents!

Peut être une de nos vedettes d' aujourd'hui, peut être quelqu'un qui étudie actuellement, ou joue dans les rues de la nouvelle orléans sera celui qui rendra à nouveau le jazz « cool ». Peut être un nouveau producteur viendra réinventer le genre.

Sinon je crains que le jazz ne glisse peu à peu dans un académisme déconnecté du public.

Un festival comme celui de la nouvelle orléans peut toutefois faire plus et mieux pour rendre cette musique plus visible. Un meilleur emplacement et les meilleurs représentants de chaque genre chaque week end pourrait être un bon début. Donnez nous plus de brass bands et de petits groupes dixieland , ceux qui jouent dans les rues du French quarter.

Les règles actuelles du festival trahissent la musique parce que la musique se dérobe à ses buts financiers. Toutefois si les organisateurs veulent conserver le mot « jazz » dans l'intitulé du festival il serait convenable qu'ils le respectent un peu mieux ."


A Norah Jones près, je partage assez l'avis de l'auteur. En tout cas ses réflexions me semblent plus pertinentes que toutes les fadaises agitées autour du mouvement appelé la « révolution de Jazzmin » . Si vous avez suivi, c'est un truc lancé par un pianiste français dont j'ai oublié le nom et qui prétendait que le lutte des classes aujourd'hui s'illustre par le combat de géniaux musiciens français de jazz contre d'affreux capitalistes, habitués du Fouquet's et du yacht de Bolloré et qui, tels de nouveaux vampires, exploitent sans vergogne au profits des marchés financiers prédateurs, le talent ( immense) de nos nouveaux prolétaires.

Bon, en réalité il s'agit de lascars à l'égo démesuré qui s'en prennent à des types qui se sont lancés, de façon financièrement suicidaire, dans des activités- clubs de jazz, radios de jazz- qui n'ont jamais rapporté un rond et qui se terminent généralement, sauf mécènes aux poches profondes, et heureusement il y en a, au tribunal de commerce. Un dernier mot là dessus et je n'en reparle jamais: l'expression «  révolution de Jazzmin » me semble particulièrement indécente . Non ?

Allez je passe à autre chose:

Unsung heroes



Après le très obscur Grassella Oliphant, je me risque sur quelqu'un dont vous avez peut être entendu parler déjà mais qui, avouez le chers petits lecteurs, ne fait pas la une des gazettes jazziques:

Freda Payne

est une chanteuse de Detroit qui, à 66 ans aujourd'hui, a eu une carrière bien remplie dans le créneau «  variété Jazzy à tendance relaxante » bon un truc typiquement américain mais souvent « cool » ( j'aime bien « cool » tout compte fait ).

C'est toutefois dans le jazz qu'elle a commencé ses coupables activités- elle a même été très fugacement la chanteuse de l'orchestre de Duke Elligton, qui lui avait proposé un contrat que Mme Payne mère a décliné- avant de glisser vers des trucs plus lucratifs.

Voilà concrêtement à quoi ressemble une Freda Payne:



Bon pourquoi nous parle t il de cette chanteuse le Gaston marmonnez vous. Très simple: En 1963 notre belle Freda a enregistré un disque, de jazz vocal, intitulé "after the lights go down low" , avec des pointures comme Phil Wood ou Jim Hall.

Bon qu'y a t il d'extraordinaire à ça vous renfrognez vous derechef. Attendez, attendez vous ne savez pas le plus beau de l'affaire. Parmi les titres enregistrés ce mois de Septembre 1963 figurait... "lonely woman"» hé oui le lonely woman d' Ornette Coleman, une des plus belles ballades jamais écrites par le compositeur le plus délicieux qui soit; mais qui à l'époque sentait franchement le soufre dans les studios. Qui a décidé de ce choix ? Freda ? Bof. L'agent, le producteur, le hasard ?

Quoi qu'il en soit c'est la première interprétation de lonely woman sous forme vocale . Il y en aura une autre plus tard, bien meilleure, par Linda Sharrock ( l'ex de sonny ) sur un album- ECM je crois- de Wolgang Pushnik, mais ceci est une autre histoire.

Lonely woman par Freda Payne, ladies and gentlemen....





A bientôt chers petits amis. ( au fait c'est Phil Wood qui contrechante derrière Freda )

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