dimanche 7 août 2011

dodo greene

Dodo Greene ! Il est vraisemblable que ce nom vous dise  vaguement quelque chose, si comme moi vous vous intéressez à l’histoire du plus grand label de Jazz; Blue Note évidemment, .


Blue note, avec son côté parfois taliban, n’était pas réputé pour s’intéresser aux vocalistes, bien au contraire - Ils se sont, malheureusement bien rattrapés depuis!-. Pourtant en 1962, pour des raisons inconnues mais certainement à caractère partiellement commercial, Alfred Lion "signait" pour la première fois depuis 1939 une chanteuse: Dodo Greene. C’est pour cette raison que ce nom me trottait dans la tête depuis un moment. La lecture attentive de la discographie Blue Note ( que je vous recommande aux cas d’insomnie ) et de toute la littérature à ce sujet m’avait mis la puce à l’oreille à propos de l’existence d’un enregistrement de cette chanteuse en 1962. La puce me démangeait d’autant plus que les musiciens listés pour l‘accompagner = Grant Green, Ike Quebec, Sir Charles Thompson, Milt Hinton, Billy Higgins…étaient vraiment loin d’être mineurs.




Vous savez ce que c’est, ma vie n’en dépendait pas, le disque était introuvable, je suis passé à autre chose. Et puis, bing, je mets la main dessus. De fait cette Dodo était une chanteuse de grande qualité, avec l’influence, habituelle pour l’époque, de Dinah Washington ( le côté métallique de la voix) . De plus, ce qui ne gâte rien, le grand Ike Quebec, manifestement directeur musical de la séance, est très présent derrière Dodo et parfois au premier plan. Si quelques chansons ont vieilli et ont parfois le côté cucul la praline de l’époque, il y a sur certains titres un vrai parfum gospel et Dodo a l’autorité et l’abattage qui ne sont pas ceux d’une débutante.


De fait elle ne l’était pas et depuis son départ de son Buffalo natal, elle avait écumé les clubs du nord et du centre des States, ayant même décliné l’offre de Cozy Cole de devenir la chanteuse de son orchestre. C’est vraisemblablement Ike Quebec qui était responsable de cette découverte pour Blue Note, comme il en était coutumier(1). Malheureusement, sans doute trop décalé avec la production habituelle du label, le disque n’a pas eu le succès escompté. Comme souvent, la séance et une autre quelques mois plus tard avaient mis en boîte de quoi faire deux disques, mais les choses en sont restées là, malgré un effort promotionnel et des liner notes de Nat Hentof lui-même. Le CD de 1996 a réédité la totalité des séances.




Curieusement les travaux discographiques indiquent un disque antérieur de Dodo, en 1959 pour l’obscur label Time, avec des arrangements de Slide Hampton, Ray Bryant au piano et Frankie Dunlop ( le futur batteur de Monk ) à la batterie. Ce disque semble avoir été réédité par les japonais, avec une photo qui n’est surement pas d’époque. Si quelqu’un a ça ? En tout cas elle n’a plus jamais enregistré après le Blue Note.




Venant de Buffalo, Dodo est retournée à Buffalo. C’est quoi Buffalo m’interrogez vous ? Et bien si vous avez aimé La Courneuve vous allez adorer Buffalo. Dans l’état de New York , Buffalo avait dans les temps reculés attiré une forte population d’africains américains en raison de la proximité du Canada  permettant aux esclaves en fuite de s’y réfugier. Par la suite la ville est devenue prospère puis s’est enfoncée dans le déclin ( c’est la seule ville dont le recensement de 2000 fait apparaître moins d’habitants qu’en 1900 ), laissant place à des ghettos et des friches industrielles. Avant et immédiatement après la deuxième guerre mondiale, la présence de la communauté noire et une certaine prospérité a amené une scène musicale très active. Dodo est issue de ce terreau avec des frères musiciens et des établissements tenus par l’union des musiciens noirs ( avant la déségrégation des Unions ).


Revenue dans sa ville elle y chante toujours et une vidéo la montre dans ses œuvres. Curieusement son style, d’après ce qu’on en voit, s’est infléchi vers le genre "chanteuse de blues" plus marqué qu’à l’époque Blue Note.


Pour des raisons sans doute compliquées Dodo a raté la marche d’une carrière qui aurait pu s’annoncer prometteuse; elle n’est pas la seule, c’est aussi le cas de Teri Thornton, dont je vous entretiendrai peut être un jour, mais qui elle a fait un come back tardif.


Deux illustrations musicales: un extrait du Blue Note et une video récente de Dodo dans un club de Buffalo


Dodo Greene ladies and gentlemen:






A bientôt chers petits amis...
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(1) On peut imaginer que la connexion vienne de la longue fréquentation de Ike et de Cozy Cole Chez Cab Calloway.

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