lundi 22 août 2011

Susannah McCorkle

Anniversaires,commémorations, hall of fame, Grammy Award, toutes les techniques de promotion de la musique sont utilisées et pourquoi pas. Reste un problème, comment faire écouter cette musique à ceux qui n'en sont pas familiers.

Une des réponses est les fameuses « compil », vous savez le genre : les 100 meilleurs interprétations de Jazz ou les 50 meilleurs blues etc etc. Parfois à l'écoute de certaines de ces compils on se prend à regretter qu'on ait pas choisi plutôt les 50 pires. Il y a des exceptions bien sur comme le label Frémeaux .

Les listes sont aussi utilisées : les 50 disques à emmener sur une île désertes par exemple. Voilà quelques années un label, je ne sais plus lequel, avait fait un bon travail de réédition sur cette base. Le problème est que ces listes sont toujours éminemment discutables puisque chacun a son propre point de vue sur l'histoire du Jazz, point de vue qui évolue constamment au gré des réévaluations historiques. Un historien disait «  ce qui est formidable dans l'histoire c'est qu'elle change tout le temps » Ce qui est à la fois paradoxal et inévitable.

Ce long prolégomène pour vous parler d'une initiative du très respectable journal Britannique The Guardian qui publie dans une récente édition les cent titres qui ont marqué l'histoire du Jazz. Cela commence en 1902 avec Scott Joplin et son « the entertainer » et se termine quasiment hier soir avec Ambrose Akinmusire. On peut l'écouter sur une play list de spotify ( voilà le lien : http://www.guardian.co.uk/news/datablog/2011/jun/17/jazz-music-playlist-download)

Bien sur c'est très discutable. La fin de l'histoire ( si on peut dire ) est sureprésentée. Par exemple entre 1928 et 1937 : rien . Par contre sur une durée équivalente, entre 2001 et 2011 rien moins que dix titres sélectionnés. Penser que le Jazz des dix dernières années est dix fois plus créatif que dans les années 30 n'est pas sérieux et on voit bien que la perspective est largement faussée.

Quant au choix, il est généralement de qualité mais on peut le discuter largement :

Lester Young ne partage qu'une demie marche du podium, avec Billie Holiday ; ce qui est loin de refléter son influence.

Aucune mention de Roy Eldridge ou Archie Shepp non plus.

Par contre surpondération, par ethnocentrisme vraisemblablement, des musiciens anglais puisqu'on voit dans ce Hall of Fame des gens assez obscurs pour nous comme Humphrey Lytleton en 1956 (?) ou Ian Carr en 1966. En contrepartie pas de Martial Solal. Je crois que la même liste réalisée par des français aurait donné la même distorsion de perspectives

Enfin je dois avouer mon ignorance sur certains musiciens de la dernière période tels que The Necks ou Pinski Zoo ; je n'en parlerai donc pas.


Susannah McCorkle


Susannah McCorkle, outre d’avoir un nom bien difficile à dactylographier, était un cas tout à fait à part dans le monde des vocalistes de Jazz. Ce nom ne vous dit peut être rien mais gagnerait à être plus connu et sortir de l’oubli où il s’enfonce peu à peu.


Le jazz est essentiellement une affaire d’instrumentistes et les premiers chanteurs ont été, comme Louis Armstrong, les musiciens eux-mêmes. Naturellement ils ont privilégié la musique aux paroles des chansons et le scat, inventé par le même Armstrong, est l’aboutissement ultime de la négation des paroles. Le vaste répertoire américain « The great American Songbook » de standards remarquables, souvent issus de comédies musicales à succès, est utilisé comme matériau pour la mélodie et ses harmonies, jamais pour les paroles; même si Lester Young prétendait qu’il fallait les connaître pour exprimer convenablement la mélodie.


Il y eu bien sur des exceptions dont la plus éclatante est Billie Holiday qui, loin de la pyrotechnie de Ella ou Sarah, s’attachait à rendre leur sens aux paroles, qu’on se souvienne de Stange Fruits!

C’est Billie qui au départ a influencé la jeune Susannah. Ses études centrées sur le langage à Berkeley devait la conduire à être interprète à la commission de Bruxelles mais l’art du chant a été plus fort et c’est à Londres qu’elle a commencé de se faire connaitre avant de retourner aux États-Unis pour une carrière discographique assez fournie sur une période d’une vingtaine d’années.

Bien qu’elle fasse incontestablement partie de l’univers du jazz, Susannah privilégie d’une certaine manière le texte aux paroles. Avec une voix claire et agréable elle fait prendre conscience du « théorème de Lester Young » sur l’importance des paroles. 

C’est particulièrement net dans le disque consacré à Cole Porter. Un des plus grands compositeurs de chansons américains, Cole Porter écrivait fréquemment paroles et musique , ce qui donne à ses chansons une unité technique incomparable.

Malgré un succès relatif, Susannah a eu une  existence tragique, gâchée par la maladie bipolaire qui entraine une dépression constante.  A bout, en 2001, elle s’est suicidée en se défenestrant de son immeuble New Yorkais. Même ses amis les plus proches ne soupçonnaient pas un tel degré de désespoir, son œuvre n’en porte pas la marque non plus. Elle n’est pas totalement oubliée aujourd’hui et conserve, notamment aux Etats Unis, un cercle d’admirateurs de son grand talent. On peut trouver assez aisément ses disques. 

Deux extraits musicaux: From this moment on, extrait du disque consacré à Cole Porter et I’m old fashioned d’ Irvin Berlin.

Susannah McCorkle ladies and gentlemen:


A bientôt petits amis...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire