mercredi 10 août 2011

Miles and sonny

Comme tout le monde, ou enfin presque, j’avais compris que Miles Davis, pendant une courte période, avait utilisé les services de Sonny Stitt. Précisément en 1960 et 1961. Curieusement, toujours prêt à encenser ou à descendre en flamme ses collègues ( motherfucker étant généralement le qualificatif approprié ) , Miles, dans son autobiographie, est quasiment muet sur ce passage, le citant seulement, sans jugement (1). Aucune trace discographique « studio » n’existe, ce quintet ( Miles + Sonny + Winton Kelly, Paul Chambers et Jimmy Cobb ) n’ayant existé que pour les besoins d’une tournée, essentiellement européenne.


Je savais que la radio suédoise avait fait un enregistrement et qu’il en existait un autre du concert parisien à l’Olympia. Bien que je me demandais à quoi pouvait ressembler l’attelage Miles/Sonny, après le départ de Trane et l’arrivée de Hank Mobley, ma recherche n’a pas été frénétique et c’est seulement maintenant que je tombe sur le concert de Stockholm


Stockholm est une ville charmante mais, en Octobre 1960 à la nuit tombée depuis longtemps, j’imagine qu’il n’ y avait rien pour inspirer particulièrement nos cinq artistes.


Tout s’éclaire, à l’écoute, sur les raisons de la non permanence de ce quintet, pourtant exceptionnel. Inutile de dire que, servie par une grande qualité d’enregistrement, la musique est d’un niveau inouï. Parfaitement soudé depuis l’aventure Kind Of Blue l’année précédente, le trio rythmique est sans doute ce qu’on a entendu de mieux dans le genre: swing, finesse, à-propos sont constamment au rendez vous. Miles joue comme il jouait à cette époque. Mais Stitt ? entends-je. Peut être suis-je mauvais juge, Sonny étant de longue date un de mes héros mais là il est quasiment au dessus de tout ce qu’on pouvait entendre à l’époque . Virevoltant, à l’alto particulièrement, comme un funambule ou une danseuse étoile de l’opéra, il défie la pesanteur et dégage d’un bout à l’autre de ses interventions un swing presque palpable.




L’anxiété vous gagne. Pourquoi cet orchestre, s’il fut ce que vous nous dîtes n’a-t-il duré qu’une saison ? 


J’ai mon idée. Regardez la pochette :






Miles et Sonny sur le même plan. Était ce supportable pour celui qui, l’avenir le montrera, aspirait à devenir une star « mainstream »? Cela au moment où son dernier disque, Kind of Blue donc, était parti pour devenir un des disques de Jazz le plus vendu de tous les temps.


Certes Miles a toujours joué avec les meilleurs, Rollins Coltrane Hancock Bill Evans Cannonball etc etc, mais ces meilleurs étaient généralement en devenir. Trane avait dix ans de moins que Miles. Sonny Sitt lui était l’aîné de deux ans. Comme dit un proverbe Africain « Il n’y a pas place pour deux crocodiles dans le même marigot»


Ajoutez à ces éléments deux égos machistes en compète et vous comprendrez pourquoi les générations futures que nous sommes ont été privées d’un des meilleurs quintets qui ait existé.


Pour vous donner une idée, un extrait du concert de Stockholm, qui curieusement m’attendait chez Youtube alors que je le cherchais, sans fébrilité certes, sur Internet ou dans les bacs.


Miles and Sonny ladies and gentlemen:




A bientôt chers petits amis...
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(1) la seule remarque sur Sonny de Miles est à propos du fait qu’il se plantait fréquemment sur «So What». Connaissant bien Sonny je doute fort qu’il se soit «planté» sur quoi que ce soit ,mais il s’agit sans doute d’un coup de griffe de Miles nécessaire à sa réputation de bad boy!

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